Un an après la première élection des représentants des travailleurs des plates-formes, en mai 2022, les premiers accords voient le jour dans la douleur. Le 20 avril, trois textes, fixant notamment un revenu minimal de 11,75 euros de l’heure pour les livreurs à deux-roues, ont été signés avec les plates-formes de type Deliveroo et Uber Eats. « Une première étape importante dans le dialogue social de ce secteur », s’est réjoui le ministre du travail, Olivier Dussopt.
« Un accord bidon », ont dénoncé cinq organisations (CGT-Livreurs, Collectif des livreurs autonomes des plates-formes, CNT-SO, FO-JustEat et SUD-Livreurs·euses). Jugé insuffisant par ces dernières, l’accord sur le tarif a seulement été signé par la Fédération nationale des autoentrepreneurs et microentrepreneurs.
Malgré des premiers pas chancelants, ces négociations ouvrent un dialogue social inédit dans la communauté morcelée des indépendants, peu habituée à la négociation syndicale classique et longtemps ignorée par les organisations syndicales traditionnelles. « A leurs yeux, il n’y avait rien en dehors du salariat », résume Martin Richer, fondateur du cabinet Management & RSE, qui a notamment travaillé sur les évolutions du syndicalisme.
L’explosion du nombre d’autoentrepreneurs a finalement incité les syndicats, confrontés à l’érosion de leurs effectifs, à se pencher sur cette catégorie d’actifs : l’Union nationale des syndicats autonomes a mis en place dès 2015 un syndicat des chauffeurs privés, un syndicat pour les coursiers à vélo a vu le jour dès 2017 à la CGT, et la Fédération communication, conseil, culture de la CFDT a lancé en 2016 un site à destination des travailleurs non salariés. Un premier pas vers la création, en 2019, de Union-Indépendants, une émanation de la CFDT. Reste à toucher cette catégorie de travailleurs : « Il faut arriver à leur faire comprendre que le collectif est plus efficace que l’action individuelle », admet Fabien Tosolini, chargé de mission chez Union-Indépendants.
Les travailleurs indépendants ne les ont pas attendus pour s’organiser. Face au vide laissé par les syndicats traditionnels, une myriade de collectifs a vu le jour. Observateur de longue date du mouvement, Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des indépendants (SDI), estime à « plus d’un millier » le nombre d’organisations définies « par domaine d’activité ou par région », qui se sont construites au fil du temps pour défendre les indépendants. Faute de données officielles, difficile de savoir ce que pèsent ces collectifs.
Ces négociations sont une première étape importante dans l’instauration d’un dialogue social dans le secteur des travailleurs indépendants. Malgré la douleur provoquée par des accords jugés insuffisants par certains, ces négociations suscitent un intérêt important de la part des syndicats traditionnels pour la défense de cette catégorie d’actifs. En effet, les travailleurs indépendants ont été jusqu’à présent peu habitués à la négociation syndicale, mais sont sensibles à la création de collectifs pour la défense de leurs droits. Le mouvement des travailleurs indépendants organisés en collectifs est déjà bien avancé, mais reste difficile à quantifier de manière précise. Les syndicats traditionnels tentent donc de toucher cette catégorie de travailleurs en leur faisant comprendre l’efficacité du collectif par rapport à l’action individuelle.