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le soutien d’Emmanuel Macron à Kaïs Saïed passe mal – Jeune Afrique

le soutien d’Emmanuel Macron à Kaïs Saïed passe mal – Jeune Afrique


L’agenda était chargé. Mais, entre la COP27 à Charm el-Cheikh (Égypte), le G20 à Bali (Indonésie) et l’ouverture de la Coupe du monde de football, Emmanuel Macron a participé à l’ouverture du Sommet de la Francophonie à Djerba (Tunisie), le 19 novembre.

C’est pourtant moins l’ordre du jour de ce sommet qui a retenu l’attention des Tunisiens que les propos du chef de l’État français sur les relations de son pays avec la Tunisie, ou plutôt avec son président, Kaïs Saïed.

Emmanuel Macron a en effet profité de son séjour à Djerba pour exprimer son souhait de voir son homologue tunisien parachever la feuille de route qu’il a tracée pour mettre en place le nouveau régime. Se défendant de toute ingérence, Emmanuel Macron a tout de même donné l’impression à certains Tunisiens d’entretenir une certaine ambiguïté ou de vouloir trop en faire.


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Ainsi, après avoir réitéré l’appui de la France « au peuple tunisien face aux défis auxquels [son] pays est confronté », il a ajouté qu’il souhaitait que « ce changement politique puisse aller jusqu’au bout, et donc que les élections du 17 décembre se [déroulent] dans un cadre apaisé, que toutes les forces politiques puissent y participer, et que [ce scrutin] donne un résultat ».

« Je pense qu’il est très important – et je sais que le président [Saïed] est très vigilant [sur ce point], nous en avons parlé toute à l’heure – qu’il y ait un apaisement [dans le domaine des] libertés politiques, de la libre expression des médias », a conclu le président français, en précisant : « Je sais qu’un grand constitutionnaliste comme lui sera vigilant. Je l’y ai invité  en lui disant qu’on allait tout faire pour l’aider, pour que ce chemin puisse se poursuivre. »

Un soutien trop appuyé ?

Ces propos, qui confirment l’appui de la France à Kaïs Saïed, provoquent une certaine gêne dans l’opinion tunisienne. « La France a souvent feint de ne pas voir ce qu’il se passait en Tunisie, on ne s’en étonne plus, mais cette manière de soutenir systématiquement le pouvoir en place malgré ses sorties de route est agaçant », tacle Mounir, un ancien partisan du président tunisien, qui a pris ses distances depuis l’adoption, en août 2022, d’une Constitution qu’il juge insatisfaisante.

L’opposition elle aussi tempête, à l’image du Front de salut national, qui estime qu’Emmanuel Macron apporte un soutien marqué au « projet autoritaire et personnel » du président Saïed et que ses propos « portent atteinte à la démocratie tunisienne ».


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Une position qui rappelle aussi à de nombreux Tunisiens que la France, qui se veut la patrie des droits de l’homme, a souvent soutenu les régimes en place, en particulier celui de Ben Ali. Certains se souviennent du président Chirac lançant, en 2003, que le « premier des droits de l’homme c’est manger, être soigné », quand des médias français l’avaient interpellé sur l’état de la démocratie en Tunisie. D’autres rappellent que Michèle Alliot-Marie, ministre française des Affaires étrangères sous la présidence Sarkozy, avait envisagé d’apporter une aide musclée aux forces de l’ordre tunisiennes lors de la révolution de 2011.

« Seule la liberté peut durablement fonder la stabilité et la paix dans le monde », estiment les responsables du Front de salut national, qui invitent la France à renouer avec les valeurs humanistes.

« Une forme de duplicité »

L’ambiguïté perçue dans les propos du président Macron est telle qu’elle parvient à faire l’unanimité contre lui au sein de deux formations ennemies, Ennahdha et le Parti destourien libre (PDL). « On pourrait même y percevoir une forme de duplicité », commente un ancien diplomate membre du PDL, qui assure que l’attitude aujourd’hui dénoncée est celle de tous les anciens pays coloniaux.

La présidente du PDL, Abir Moussi, s’en étonne elle aussi : « Macron, à la tête d’une république qui a mis en place la démocratie et la séparation des pouvoirs, soutient aujourd’hui que Kaïs Saïed, celui-là même qui nous accusait d’être des collabos [des puissances étrangères], est son ami. »


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Dans le même registre et dans une lettre ouverte au président Macron, Noureddine Bhiri, ancien député et dirigeant d’Ennahdha, évoque le « parti pris [du dirigeant français] pour un coup d’État condamné par des instances et des tribunaux internationaux, régionaux et tunisiens, et ce bien qu’il détruise le régime républicain et porte atteinte à la Constitution, aux droits et aux libertés, à l’indépendance de la magistrature, à la dignité et aux valeurs de liberté et de démocratie prônées par la révolution française. »

Seuls les États-Unis font entendre une voix discordante

Tous relèvent, enfin, que la présence de la France à Djerba a un impact sur la scène internationale et que, au sein de l’Union européenne, très peu de voix s’élèvent contre le regain d’autoritarisme en cours en Tunisie, seuls les États-Unis faisant entendre une voix discordante.

« La France a encore des relations tourmentées avec d’anciens territoires coloniaux devenus des pays indépendants et souverains. Le plus inquiétant est qu’elle avance ses pions l’air de rien et que le soutien bascule rapidement dans l’ingérence. Voyez comment le Trésor français, avec l’accord du gouvernement tunisien, est devenu un partenaire incontournable pour restructurer la dette du pays, et, ce faisant, pour être informé du détail de ses finances », déplore un économiste proche du mouvement syndical.

D’autres affirment le contraire : Emmanuel Macron tenterait de privilégier le dialogue pour que Tunis tienne ses engagements politiques et constitutionnels. « Être dans l’amitié bienveillante, ce n’est pas de l’ingérence », assène une expatriée française.

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