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le Sénégal, la « hargne » de génération en génération

le Sénégal, la « hargne » de génération en génération


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Le sélectionneur du Sénégal, Aliou Cissé (4e à partir de la gauche), et les Lions de la Teranga lors d’une séance d’entraînement à Doha, le 16 novembre 2022.

C’est un vendredi, jour de prière. Et de miracles aussi. Ce 31 mai 2002, un pays et un continent se tournent vers Séoul en Corée du Sud. Peu avant midi (décalage horaire oblige), le Sénégal affronte en match d’ouverture de la Coupe du monde un adversaire vertigineux : la France. Difficile alors d’imaginer qu’une si « petite » nation – qui participe au premier Mondial de son histoire – peut briser cette armée tricolore, tenante du titre.

France-Sénégal, c’est le duel de tous les déséquilibres et, pourtant, les Bleus de Thierry Henry et de David Trezeguet (Zinédine Zidane, blessé à une cuisse, est sur le banc) vont tomber de leur piédestal. Tout bascule à la 30minute : El-Hadji Diouf déborde sur la gauche et le centre ; Emmanuel Petit tente de dégager le cuir mais celui-ci rebondit sur Fabien Barthez qui se perd dans sa sortie. En embuscade, Papa Bouba Diop, qui débarque de nulle part, glisse le ballon au fond des filets.

Le milieu sénégalais file vers un poteau de corner, retire son maillot pour le déposer sur le gazon et se met à danser autour de sa tunique blanche avec ses coéquipiers. Les Sénégalais tiennent le score jusqu’au coup de sifflet final (0-1) et humilient, au passage, les prétendants naturels à la victoire finale. Devant la planète foot, les Lions de la Teranga viennent de croquer des Coqs jusqu’ici redoutés. « Après cette victoire, il manquait des poulets au Sénégal, on les avait tous mangés », se rappelle dans un éclat de rire Cheikh Fantamady Keïta, journaliste au quotidien Le Soleil. La France a perdu. L’Afrique danse et toute l’Afrique va continuer à danser lors de ce Mondial.

La fierté est intacte

Car l’exploit des Lions ne se limite pas à battre les champions du monde : ils réussissent à se hisser jusqu’en quarts de finale. Face à la Turquie, les Sénégalais, entraînés par le Français Bruno Metsu, tiennent bon ; mais ils sont éliminés à cause d’un but en or inscrit au début de la première prolongation (0-1). En rentrant au pays, les Lions sont acclamés : une équipe est née, une légende aussi.

25 janvier 2022. Sur la pelouse de Bafoussam au Cameroun, Bamba Dieng, un gamin de 21 ans, marque son premier but en sélection sénégalaise face au Cap-Vert en huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique des nations (2-0). Le voilà qui file vers le poteau de corner et danse comme Papa Bouba Diop (mort en novembre 2020). « J’ai toujours pensé qu’il fallait leur [la génération 2002] rendre hommage », explique alors le jeune Lion. « Cet hommage à Pape Bouba Diop est un geste d’union entre toutes les générations, celle de 2002 et celle d’aujourd’hui », note à son tour El-Hadji Diouf, devenu depuis un dieu vivant dans son pays.

Le sélectionneur de l’équipe de football du Sénégal, Aliou Cissé, lors d’une conférence de presse à Dakar, le 11 novembre 2022, avant le départ pour la Coupe du monde au Qatar.

Cette célébration a rempli de joie Aliou Cissé, le sélectionneur du Sénégal. « C’est émouvant », reconnaît-il. Et c’est normal : il a été le capitaine charismatique de l’équipe de 2002. Aujourd’hui, ses dreadlocks sont plus longues, les lunettes plus larges et le sourire est immuable. « Beaucoup de garçons nous ont suivis à l’époque. Certains me disent qu’ils couraient derrière notre bus en 2002. Aujourd’hui, j’ai la chance de les entraîner », ajoute-t-il. Vingt ans après cette épopée, la fierté est intacte.

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Toutefois, aussi dorée soit-elle, la génération 2002 « n’a jamais rien gagné, a rappelé Aliou Cissé lors d’une conférence de presse le 1er février, à la veille d’affronter le Burkina Faso en demi-finale de la CAN (1-3). Elle a su donner du bonheur à notre peuple. » Elle sert de repère et de « référence » aux nouveaux joueurs et à l’encadrement aussi. « Il y a pas mal de membres de 2002 qui sont dans mon staff », a-t-il précisé.

La meilleure équipe africaine

Lorsqu’il reprend l’équipe nationale en mars 2015 – après avoir fait ses gammes d’entraîneur avec la sélection olympique –, il a tout à rebâtir : quelques semaines avant sa nomination, en Guinée équatoriale, les Lions ont été sortis de la CAN dès le premier tour. Il ramène de l’ordre, de la discipline, des joueurs prometteurs comme Kalidou Koulibaly et des binationaux. Il va, surtout, s’appuyer de plus en plus sur le futur guide de la sélection : Sadio Mané.

La Fédération sénégalaise de football se structure davantage et « se professionnalise, atteste le journaliste Cheikh Fantamady Keïta. Les frais comme les primes sont payés en temps et en heure ». L’institution se dote, également, d’un team manager (fonction de super intendant) qui fait des missions de prospection ou encore permet aux joueurs de ne plus prendre d’avions de ligne lors d’un déplacement. « Avant, on devait prendre des correspondances, on dormait dans les aéroports », a expliqué Aliou Cissé au Monde.

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Fin 2015, le Sénégal est 44au classement de la Fédération internationale de football (FIFA). Aujourd’hui, elle pointe à la 18place et reste la meilleure équipe africaine depuis plusieurs années. Et ça se comprend : un quart de finale de la CAN (en 2017), une finale perdue (en 2019) et enfin une première victoire continentale en début d’année.

Lors du Mondial 2018 (une défaite, un nul, une victoire), le Sénégal est éliminé, terminant troisième de sa poule derrière le Japon qui a pourtant le même nombre de points. Les Lions de la Teranga sont victimes du nouveau règlement de la FIFA – le fair-play –, utilisé pour la première fois en Coupe du monde pour départager deux équipes : ils ont pris deux cartons jaunes de plus que les Samourais bleus. Cruel.

Sadio Mané blessé et forfait

Au Qatar, le Sénégal – qui partage sa poule avec le pays hôte, l’Equateur et la Hollande – participe à sa troisième Coupe du monde et espère devenir la première nation africaine à dépasser les quarts de finale. « Il y a des points communs entre la génération 2002 et 2022 : la hargne, la solidarité dans le groupe et le plaisir de jouer ensemble », avance Cheikh Fantamady Keïta.

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Les champions d’Afrique sont redoutés, mais leur guide suprême, Sadio Mané, s’est blessé et a dû déclarer forfait quelque jours avant le premier match contre les Pays-Bas lundi 21 novembre. Apprendre à gagner sans lui est un nouveau défi. Quoi qu’il en soit, pour Aliou Cissé qui s’apprête à vivre son troisième Mondial (une fois en tant que joueur et deux comme sélectionneur), l’ambition est claire : « Il y a eu plusieurs phases dans l’histoire des équipes africaines en Coupe du monde. Au début, on y est allé pour découvrir, puis pour apprendre, enfin pour exister. Désormais, on y va pour gagner. L’écart de niveau entre l’Amérique du Sud et l’Afrique s’est resserré. Il n’y a plus de petites équipes. Nous avons l’expérience. On va au Qatar en toute humilité, mais il ne faudra pas nous manquer de respect. »

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