in

« Je n’ai pas été élu pour ça »

« Je n’ai pas été élu pour ça »


Caroline Cayeux, ministre chargée des collectivités territoriales et ancienne maire de Beauvais, et le maire de Saint-Malo Gilles Lurton, à Saint-Malo le 17 août 2022.

« “Con’’, c’est quasiment devenu un compliment », soupire Jean-Paul Dor. Maire de gauche d’une commune de Moselle, Colmen, 210 habitants, il alerte : les agressions subies par les élus « sont devenues un gros souci ». « Il est aujourd’hui courant de se faire agresser verbalement », constate-t-il. Mais « un palier a été franchi » : M. Dor a reçu, début octobre, un courrier anonyme le menaçant de mort. Le message est explicite : une corde et deux panneaux signalétiques « Attention ».

Un choc. M. Dor, maire depuis vingt et un ans et petit-fils d’un maire de Colmen, n’avait jamais connu ça. Au début, « on se sent coupable, commente-t-il. Qu’est-ce que j’avais bien pu faire à quelqu’un pour qu’il souhaite ma mort ? » Après le doute, la colère : l’édile a porté plainte, parce que « l’on ne peut pas banaliser ce genre de choses ». Et tant pis si la procédure est lourde : gendarmerie, procureur, avocat, police scientifique… Mais « tout le monde me connaît ici, a mon numéro de téléphone, mon adresse, s’agace-t-il. S’il y a un problème, on vient me voir, on boit un café, et c’est réglé ».

« C’est le Far West ? »

Selon l’enquête réalisée pour l’Association des maires de France (AMF) par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) à l’occasion du 104congrès des maires, qui se tiendra à Paris du 21 au 24 novembre, les conflits locaux se règlent de moins en moins autour d’un café. La part d’élus qui déclarent avoir été victimes de menaces verbales ou écrites a augmenté de 11 points en deux ans, passant de 28 % à 39 %. Les incivilités (impolitesse, agressivité), 10 points (de 53 % à 63 %) ; les injures ou insultes, 8 points (de 29 % à 37 %) ; les attaques sur les réseaux sociaux ou sur Internet, 7 points (de 20 % à 27 %). Les violences physiques sont, elles, passées de 5 % à 6 %.

Lire aussi (2020) : Article réservé à nos abonnés Le désarroi de maires ruraux de Lot-et-Garonne confrontés à une population de plus en plus agressive

Le ministère de l’intérieur compte « 1 835 procédures judiciaires pour une atteinte à un élu, majoritairement des maires, entre le 1er janvier et le 31 octobre de cette année », explique la ministre chargée des collectivités territoriales. Mais le nombre d’agressions est sans doute supérieur, puisque les élus ne portent pas tous plainte, rappelle Caroline Cayeux, qui assure appeler « en moyenne, par semaine, un ou deux maires » victimes de violences. L’AMF a recensé 1 400 cas en 2020. Et l’« on tend désormais à 1 900 », affirme David Lisnard, le président de l’association.

« Des jeunes nous ont balancé des bouts de bois, des canettes d’un demi-litre et des cailloux… » – Jérémie Bréaud, maire de Bron

Il vous reste 60.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Le patron de la police dans le viseur des ministres

Le patron de la police dans le viseur des ministres

le Sénégal, la « hargne » de génération en génération

le Sénégal, la « hargne » de génération en génération