in

Le parc des Virunga à nouveau au cœur des conflits de l’est de la RDC

Le parc des Virunga à nouveau au cœur des conflits de l’est de la RDC


Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ».

Le parc national des Virunga, le plus ancien d’Afrique, s’étend sur trois pays : la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et l’Ouganda.

Combien de temps pourront-ils encore tenir si les armes ne se taisent pas ? A Rumangabo, le quartier général du Parc national des Virunga tourne au ralenti. La plupart des travailleurs ont été évacués après l’attaque, le 28 octobre, par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) de cette ville stratégique située à 40 km de Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Seuls quelques écogardes maintiennent une présence, notamment pour s’occuper de l’orphelinat des gorilles situé à proximité du lodge qui depuis longtemps n’accueille plus de touristes.

L’avenir du plus ancien parc d’Afrique est une nouvelle fois suspendu aux soubresauts de la région, au cœur d’un conflit dont il ne maîtrise aucune carte et dont il se sait de toute façon perdant. L’une des premières attaques du M23, il y a un an, avait d’ailleurs visé Bukima, un des postes de rangers de l’Institut congolais de conservation de la nature (ICCN). Un des hommes avait été tué. Depuis, les patrouilles quotidiennes réalisées par les rangers pour protéger les gorilles de montagne classés en voie d’extinction par l’Union pour la conservation de la nature (UICN) ont été suspendues. « Le bruit et le stress causés par les bombardements ont dû les faire fuir, voire pire. Mais nous n’avons plus aucune information à cause de l’insécurité. Cette guerre a des effets dévastateurs sur le parc », s’inquiète Jean*, membre d’une association de défense de l’environnement qui préfère garder l’anonymat par crainte des représailles du M23.

« Tous nos efforts risquent d’être anéantis »

Il reste un peu plus d’un millier de gorilles de montagne (Gorilla Beringei Beringei) vivant dans la zone frontalière du massif des Virunga, entre la RDC et le Rwanda, et dans la forêt de Bwindi, en Ouganda. Selon le dernier recensement, 350 d’entre eux vivaient dans la zone congolaise. Les efforts de conservation très importants fournis par ces trois pays avec l’appui financier de bailleurs internationaux ont conduit à une augmentation presque inespérée de leurs effectifs au cours de la dernière décennie.

Mais les primates ne sont pas les seules espèces menacées par la reprise des combats. « Tous nos efforts risquent d’être anéantis. Depuis une dizaine d’années, le parc met en œuvre une large politique de conservation et de lutte contre le braconnage. Les lions et les éléphants étaient même revenus vers Ishasha », une zone du parc proche de la frontière avec l’Ouganda, regrette une source proche de l’ICCN.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les sites classés sous la menace du changement climatique

Les affrontements autour de Tongo, au sud-ouest de la réserve, mettent aussi en péril des populations de chimpanzés. « La destruction des milieux naturels empire jour après jour », déplore Corneille Semakumba, coordinateur à Goma du Centre de recherche sur l’environnement, la démocratie et les droits de l’homme (Creddho). Les Virunga sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco depuis le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. L’afflux de réfugiés avait entraîné à l’époque « un braconnage et une déforestation considérable sur le site », selon l’organisation onusienne.

Commerce lucratif

Aujourd’hui, 14 % de la surface totale du parc, grand de 7 800 kilomètres carrés, sont utilisés illégalement, essentiellement pour l’agriculture ou la fabrication du charbon de bois. Le célèbre makala (en swahili, la langue régionale) est vendu à prix d’or sur les marchés congolais puisqu’il est le principal combustible disponible dans l’est du pays pour cuisiner.

« En moyenne, quarante camions chargés chacun de 150 sacs de charbon de bois sauvage entrent dans la ville de Goma chaque jour » pour des revenus évalués à près de 1,7 million de dollars (1,64 million d’euros) par mois, selon les calculs des associations écologistes locales.

Lire aussi : « C’est la première fois qu’on enlève des chimpanzés » : des kidnappeurs demandent une « rançon colossale » pour trois bébés primates en RDC

Ce commerce lucratif est essentiellement contrôlé par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu initialement formé par d’anciens génocidaires rwandais et installé dans l’est de la RDC depuis 1994. Hostiles à Kigali, qui cherche à les réduire au silence depuis près de trente ans, ils sont aussi les ennemis du M23. La rébellion à dominante tutsi – accusée par Kinshasa d’être soutenue par le Rwanda – a d’ailleurs conquis Bambo, l’un des fiefs des FDLR, à l’ouest du parc des Virunga, la semaine du 21 novembre.

« Qu’est-ce que tout ça va devenir ? »

Ces rivalités entre le M23 et les FDLR compliquent encore davantage la gestion du parc, qui sert déjà de base arrière à de nombreux autres groupes armés pour les trafics et le pillage organisé de ressources naturelles. Ainsi, certaines zones sont-elles totalement inaccessibles. L’arrêt des programmes de conservation avec leur volet d’appui aux riverains fait aussi redouter davantage de braconnages et de destruction des écosystèmes. « Avant la guerre, les aides distribuées étaient conséquentes. Mais sans accès ni financement, qu’est-ce tout ça va devenir ? », demande Gentil Karabuka, un représentant associatif qui a quitté la région.

Sur les flancs du mont Mikeno, dans le parc national des Virunga, en République démocratique du Congo (RDC).

Pour réduire la déforestation, le parc des Virunga a misé sur la construction de barrages hydroélectriques permettant de donner accès à l’électricité aux habitants. La centrale de Matebe, construite grâce aux financements mobilisés par l’Alliance Virunga, est située en plein cœur du territoire actuellement occupé par le M23. Pour le moment, elle continue de fonctionner, même si des bombardements ont endommagé la ligne de moyenne tension le 26 octobre : 80 % de l’électricité consommée à Goma – ville de plus d’un million d’habitants – provient de cette installation.

Lire aussi : En RDC, la rébellion du M23 a gagné du terrain, l’armée engage ses avions de chasse

Une nouvelle centrale devait même être construite à quelques kilomètres. Mais le chantier de Rwanguba est à l’arrêt depuis qu’il a été touché par des obus de mortier le 16 août. Avant le retour des affrontements, l’objectif était de faire des rivières du parc des Virunga la première source d’énergie de l’est de la RDC d’ici à 2024. « Quand bien même la guerre s’arrêterait demain, prédit Gentil Karabuka, la crise économique sera telle que la population n’aura pas d’autres choix que de détruire à nouveau la forêt pour survivre. »

*Le prénom a été modifié.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

les syndicats d’Easyjet en France menacent de faire grève

les syndicats d’Easyjet en France menacent de faire grève

L’hébergement d’urgence pour les familles augmenté de vingt places

L’hébergement d’urgence pour les familles augmenté de vingt places