in

« La frontière entre la restauration et le commerce alimentaire de détail se brouille »

« La frontière entre la restauration et le commerce alimentaire de détail se brouille »


Le sociologue, anthropologue et historien Claude Fischler, qui a notamment dirigé l’ouvrage Les Alimentations particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ? (Odile Jacob, 2013), analyse la manière dont la préparation des repas a évolué au fil du temps.

La « flemme » de cuisiner est-elle une chose nouvelle ?

Dès les débuts de la transformation des aliments par l’homme, on peut considérer que la cuisson était déjà une manière de favoriser la « flemme » en matière de digestion. Derrière notre rapport à la cuisine, se joue la façon dont on utilise sa force de travail : il s’agit de s’épargner des efforts et du temps pour être beaucoup plus efficace dans la chasse et la cueillette. Dans l’histoire de l’alimentation, il y a une réorganisation constante de la manière de se procurer des aliments, de s’alimenter et de restaurer ses forces.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Livraisons : l’« économie de la flemme » a-t-elle un avenir ?

Dans ma jeunesse, il fallait attraper le poulet, le plumer et le vider. A l’époque de la grande distribution, la volaille arrive prête à être enfournée. Depuis une bonne trentaine d’années, on voit sur le marché des produits qui suppriment de plus en plus d’étapes dans le processus de transformation culinaire. Dans le jargon de l’agroalimentaire, on appelle ça le « convenience » [des produits pour faciliter la vie]. La frontière entre la restauration et le commerce alimentaire de détail se brouille. Le fast-food est déjà presque un commerce de détail. Cette tendance s’accélère depuis le confinement, avec l’apparition des « dark kitchens » : on conditionne ou on remet des produits à haute température qui sont ensuite livrés chez vous.

Comment la place de la cuisine dans les intérieurs a-t-elle évolué ?

Je me souviens d’un article d’il y a quelques années sur un programme immobilier de luxe dans les quartiers gentrifiés du sud de Manhattan. Il y avait à la vente plein d’appartements haut de gamme mais sans cuisines, avec seulement de la place pour un micro-ondes. La configuration des cuisines des classes moyennes a aussi évolué. On voit de plus en plus la cuisine dite « américaine », ou une pièce sert à la fois de salle à manger et de cuisine. Chacun devient libre de se servir directement au four ou au frigo. Cela change le rapport à la nourriture.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans les entrailles des « dark kitchens », ces « cuisines fantômes » qui se multiplient dans les grandes villes

Préparer soi-même ses repas n’est-il donc pas si fréquent ?

Partout dans le monde, toutes sortes de nourritures urbaines existent. Au XVIIIe siècle, la pizza était un aliment de rue pour les portefaix du port de Naples. Elle se plie, se consomme en marchant, comme un casse-croûte. A Jakarta, en Indonésie, il y a des quartiers entiers très populaires dans lesquels il n’y a pas assez de place pour faire des cuisines : les gens s’approvisionnent auprès de marchands de rue. Derrière la nourriture de rue, c’est le rapport de la nourriture et du travail en milieu urbain qui se joue. Mais pendant le confinement, tout ce qui était consommation hors domicile a dû être rapatrié à la maison. Le télétravail a redistribué les cartes entre la restauration collective et la restauration à domicile.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pérez s'impose à Singapour, devant Verstappen seulement septième

Pérez s’impose à Singapour, devant Verstappen seulement septième

BFMTV

Des membres de l’administration Trump conserveraient encore des documents demandés par les Archives nationales