Il n’avait jamais réellement envisagé une carrière en politique. C’est lorsque Jean Chrétien lui propose de devenir sénateur en 2001 que Jean Lapointe prend la direction d’Ottawa, une décision qui finira par changer sa vision du Canada.
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Ce n’est pas que M. Lapointe était apolitique : il est né la même année où son père, Arthur-Joseph Lapointe, a été élu député libéral fédéral dans la circonscription de Matapédia-Matane, en 1935. Il occupera le poste jusqu’en 1945, à la fin de la Seconde Guerre.
Jean Lapointe a passé neuf années à titre sénateur libéral – libéral «entre guillemets», comme il se plaisait à dire. Il a toujours eu une aversion pour la partisanerie, et il ne se gênait pas pour la dénoncer dès que l’occasion se présentait.
Le Sénat des «deux solitudes»
Dans une entrevue accordée à Patrice Roy pour Radio-Canada au début de 2022, il fait pour la première fois de sa vie une profession de foi souverainiste après une vie passée dans l’autre camp.
«Ça va venir un jour ou l’autre, l’indépendance du Québec. Puis je le souhaite, oui, vraiment», confiait-il à l’animateur.
La question du statut du Québec le tiraillait depuis toujours. Il avait voté pour René Lévesque à deux reprises, sans appuyer le Oui lors des deux référendums.
«Je suis toujours fédéraliste. Mais c’est très possible que dans cinq ans je ne le sois plus. Ce n’est pas impossible… Mais je ne le sais pas. Il faut laisser aller les choses», déclarait-il à «La Presse» en 2006, cinq ans après sa nomination.
C’est son temps passé au Sénat, où il a pu mesurer la réalité des «deux solitudes» qui ont alimenté sa réflexion. «On ne pense pas pareil, on n’est pas faits pareil», disait-il au journaliste Daniel Lessard en 2011, un an après son départ d’Ottawa.
À Patrice Roy, il affirme que son penchant fédéraliste était hérité de son père, qu’il aimait profondément.
Des fleurs pour le sénateur
Jean Lapointe s’est plaint à maintes reprises de la lenteur des procédures au Parlement. Cela le chicotait tellement qu’il en a fait le sujet de sa toute première intervention à la Chambre haute : il voulait réduire le temps alloué aux hommages «hommages rendus lors d’un décès, d’un départ à la retraite ou d’un hommage à une personnalité», qui s’éternisaient, selon lui.
Ironiquement, l’homme de scène a eu droit à de copieux hommages le 30 novembre 2010, quelques jours avant son départ à la retraite.
L’actrice Andrée Champagne et la sénatrice acadienne Rose-Marie Losier-Cool avaient chacune repris des airs de ses chansons en guise de salutation.
Le sénateur Claude Carignan avait glissé des titres de l’artiste dans une touchante allocution, où il révélait que son père avait lui-même «répondu à l’appel de vivre» en se rendant à la Maison Jean-Lapointe en 1984.
Dans la foule se trouvaient les membres de la famille de Jean Lapointe. Il y avait aussi sa «grande amie» Viola Léger, qui a incarné le rôle mythique de la Sagouine pendant des décennies avant d’être nommée elle-même sénatrice en même temps que M. Lapointe.
Même si la politique l’a laissé «malheureux» et «déçu», il concevait toujours en 2022 le Sénat comme «l’ange gardien de la population, des minorités et des démunis».
Un de ses chevaux de bataille était la lutte pour interdire les machines de loterie vidéo dans les bars et les restaurants. Sa proposition n’a jamais abouti.
«Je tiens à m’excuser auprès de nos adversaires lorsque mes paroles ont dépassé ma pensée. Je n’en veux à personne. Je ne suis pas venu ici pour faire la guerre, mais plutôt pour essayer d’apporter un peu de paix», avait-il prononcé lors de son discours final.