A 20 ans, Rostambert Bangou Tcheubue a survécu à la guerre, mais il a perdu son insouciance. L’étudiant camerounais a le sentiment que sa vie n’est désormais qu’une « succession de rejets ». Vêtu d’un tee-shirt jaune siglé, baskets blanches aux pieds, il reçoit dans un studio mal chauffé. Un apparthôtel impersonnel, situé à quelques encablures de l’aéroport de Roissy, où il cohabite avec deux compatriotes d’infortune, eux aussi arrivés d’Ukraine. Depuis neuf mois, tous luttent au quotidien avec l’administration française.
Pour Rostambert Bangou Tcheubue, le « calvaire » débute le 22 février 2022. Alors qu’il réside à Dnipro, où il tente de s’inscrire en première année d’informatique, il est réveillé par les premiers bombardements russes : « Je n’étais pas inquiet. Selon moi, ça n’allait pas durer. Puis j’ai reçu un appel paniqué de mon cousin, qui étudie à Marioupol. Il m’a dit de partir sur-le-champ. » L’avenir lui apparaît soudain incertain. Car, comme des milliers d’étudiants étrangers venus d’Asie et d’Afrique, le jeune homme a choisi l’Ukraine pour la qualité de ses filières scientifiques. Son rêve : étudier la programmation informatique pour travailler dans l’univers de l’intelligence artificielle.
Brimades à caractère raciste
C’est donc à contrecœur que le Camerounais se rend à la gare de Dnipro, pour prendre la direction de Kiev. « J’avais réussi à monter dans un train, mais des gens m’ont repoussé. Dans un autre, alors que j’étais à bord, des femmes ont hurlé : “Un Noir ! un Noir !” Un policier m’a fait descendre, raconte-t-il, la voix nouée. J’ai ensuite rejoint un groupe d’Africains que les soldats ukrainiens avaient mis à l’écart. On a forcé leur barrage et on a pu monter à bord d’un train. On s’est réfugiés dans un wagon, puis on a roulé des heures, debout. »
« Pourquoi les Ukrainiens ont droit au tapis rouge et nous une course d’obstacles ? On a tous fui les bombes russes ! » Rostambert Bangou Tcheubue, étudiant camerounais
Après ces brimades à caractère raciste, ils trouvent du réconfort du côté polonais, où des bénévoles leur apportent vivres et couvertures. Un moment où chacun s’interroge sur la stratégie à adopter : rejoindre un pays européen ou profiter des vols de rapatriement proposés par quelques Etats africains à leurs ressortissants ? Rostambert Bangou Tcheubue opte pour rejoindre la France. « Aller ailleurs en Europe, c’était devoir apprendre une nouvelle langue. J’avais déjà passé un an en Ukraine à m’initier au russe, c’était difficile », justifie-t-il.
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