L’armée congolaise a engagé jeudi 17 novembre deux avions de chasse Soukhoï Su-25 contre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) qui, en dépit des appels à déposer les armes, se sont emparés ces derniers jours de nouveaux villages d’un territoire de l’est de la République démocratique du Congo, ont déclaré des sources concordantes.
« Deux avions de chasse ont bombardé et des chars ont pilonné les positions du M23 à midi », a déclaré par téléphone un habitant de Kibumba, localité située à une vingtaine de kilomètres au nord de la capitale provinciale, Goma. « Nous avons espoir, nous avançons (…) après les bombardements des avions », confirmait une source sécuritaire. L’armée avait mené de premières frappes le 8 novembre avec deux Su-25, qu’elle n’avait pas réengagés depuis.
« Les rebelles ont même fait un meeting »
Selon des sources administratives et des habitants interrogés plus tôt dans la journée, le M23 restait à l’offensive dans ce secteur de Kibumba, mais il a aussi progressé vers l’ouest du territoire de Rutshuru, dont il contrôle le quart sud-est, frontalier de l’Ouganda et du Rwanda. « Ici chez nous, c’est le M23. Ils sont à Tongo, Murimbi, Rushovu, Rushenge… », a déclaré un habitant de Tongo, localité en bordure du parc des Virunga, sur une route menant vers le territoire voisin de Masisi. « Les rebelles sont ici, ils ont même fait un meeting », confirmait un autre.
Le M23, une ancienne rébellion tutsi qui a repris les armes en fin d’année dernière, s’est emparé en juin de Bunagana, à la frontière avec l’Ouganda et, après plusieurs semaines d’accalmie, est reparti le 20 octobre à l’offensive.
Sa résurgence a ravivé les tensions entre la RDC et le Rwanda. Kinshasa accuse Kigali d’apporter au M23 un soutien que des experts de l’ONU et des responsables américains ont également pointé ces derniers mois. Kigali conteste, en accusant en retour Kinshasa – qui nie également – de collusion avec les FDLR, des rebelles hutu rwandais implantés en RDC depuis le génocide des Tutsi, en 1994, au Rwanda.
En un peu moins d’un mois, le M23 a pris le contrôle de plusieurs localités sur la RN2, qui mène à Goma, traversé la route vers l’ouest et continué de descendre vers le sud, vers la capitale provinciale. Les rebelles ont affirmé mercredi avoir pris Kibumba, ce que des sources sécuritaires confirmaient jeudi matin sous couvert d’anonymat. Kibumba et Buhumba, localité toute proche, « sont contrôlées par l’ennemi. Nous sommes à Kibati », à environ quatre kilomètres au sud, affirmait une de ces sources avant l’entrée en action des avions de chasse.
Des soldats fuyards condamnés à mort
Les affrontements de Kibumba avaient provoqué mardi la fuite vers Goma de milliers de déplacés paniqués qui, sur fond de rumeur d’avancée rebelle, avaient vu des militaires à moto s’enfuir eux-mêmes.
Trois soldats ont été jugés dès le lendemain par le tribunal militaire de la garnison de Goma, qui les a condamnés à mort pour « lâcheté, violation des consignes » et pour avoir « fui devant l’ennemi », a dit jeudi le tribunal à l’Agence France-Presse. La peine de mort est souvent prononcée en RDC dans des affaires de sécurité nationale, mais n’est plus appliquée depuis près de vingt ans.
Mercredi également, un nouveau groupe de soldats kényans de la force régionale est-africaine devant se déployer dans la région était arrivé à Goma, conduit par le général Jeff Nyagah, qui va en assurer le commandement.
En visite en début de semaine à Kinshasa puis à Goma, l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, facilitateur désigné par la Communauté d’Afrique de l’Est, avait appelé les groupes armés à « déposer les armes ». Une nouvelle session de pourparlers de paix est prévue pour le 21 novembre à Nairobi.
« La plus grande fermeté »
La France, dans un communiqué de son ministère des affaires étrangères, a également condamné mercredi « avec la plus grande fermeté la poursuite des offensives du M23 », qu’elle a appelé à « se retirer immédiatement de toutes les zones qu’il occupe ».
Emmanuel Macron, qui avait réuni en septembre les présidents congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame, a, en marge du sommet du G20, à Bali, apporté son soutien au « processus de Nairobi » et au déploiement d’une force régionale susceptible de « stabiliser plusieurs villes », dont Bunagana. Cela permettrait selon lui « un retrait des forces en présence » et « l’engagement d’un processus politique, qui doit être la priorité dans le traitement de ces tensions ».