La pratique inquiète et bruisse sur « radio ballast », le surnom du bouche-à-oreille à la SNCF : de plus en plus de conducteurs de train ont recours à des « grèves à la carte » pour obtenir les jours de congé qui leur sont refusés du fait des sous-effectifs, et ce afin de protéger leur vie personnelle dans des métiers où l’on est mobilisé tous les jours de l’année, week-end, vacances scolaires et jours fériés inclus. Ce phénomène est difficile à quantifier mais il existe, admettent syndicats et DRH, sans toutefois communiquer de chiffres. En s’ajoutant à d’autres – démissions et difficultés de recrutement d’aiguilleurs, par exemple –, il fait boule de neige et peut amener, dans les régions tendues, à des suppressions de trains.
Cette « grève à la carte » est un produit dérivé de la loi de 2007 sur le service minimum dans les services publics, texte emblématique du quinquennat Sarkozy. Elle impose aux syndicats de faire une demande de concertation immédiate (DCI), qui ouvre un délai d’une quinzaine de jours avant le dépôt d’un préavis et la grève. Cela laisse théoriquement le temps à la direction de la SNCF d’organiser un service minimum. Chaque agent qui souhaite faire grève doit ensuite faire une déclaration individuelle d’intention – « D2i » dans le jargon maison – 48 heures avant sa prise de service.
Les syndicats ont trouvé une faille pour contourner ces préalables et pouvoir mobiliser rapidement : les « préavis dormants », à savoir des préavis sans date de fin qui permettent aux agents de se mettre en grève à tout moment, avec une simple « D2i ». « Il y en a quatre au niveau national », confirme la direction des ressources humaines de la SNCF. Le premier, déposé par SUD-Rail, date de 2018, au moment de la réforme de la SNCF, transformée en société anonyme. Les trois autres, émis par SUD-Rail, la CGT et l’UNSA ensemble, et la CFDT, remontent au 4 décembre 2019, au moment de la contestation de la réforme des retraites. FO a aussi un préavis qui court jusqu’en 2050 sur l’axe TGV Nord.
« Un argument pour souligner le ras-le-bol »
Il est ainsi devenu courant qu’un conducteur de train qui se voit refuser un jour de congé pour des raisons de service contourne ce refus en déposant une « D2i ». Il se libère en se mettant en grève. Bien sûr, il n’est pas payé, mais selon un témoignage, certains agents sont prêts à perdre ponctuellement 80 à 200 euros pour pouvoir passer un samedi, un dimanche en famille, ou faire un pont. Car à cause des sous-effectifs, « les douze week-ends minimum de repos par an promis aux conducteurs seraient devenus douze week-ends maximum », assure Frédéric Meyer, secrétaire fédéral traction de l’UNSA-ferroviaire.
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