Dans moins de cinq jours, le 17 décembre, les Tunisiens seront invités à se présenter aux urnes pour élire leurs nouveaux représentants. Lesquels seront, entre autres, porteurs du projet mis en place par Kaïs Saïed.
Au regard de l’enthousiasme provoqué par l’offensive du 25 juillet 2021, à la faveur de laquelle il s’est arrogé tous les pouvoirs, on se serait attendu à ce que, 18 mois plus tard, la mise en place d’instance constitutionnelle, l’une des dernières étapes de la refonte du système politique, obtienne au moins une adhésion populaire. Il n’en est rien : la campagne qui s’annonçait atone s’est déroulée dans l’indifférence la plus totale, même celle du président. En effet, Kaïs Saied n’a jamais été aussi actif et aussi présent sur le terrain que dans les trois dernières semaines, sans jamais toutefois faire mention des législatives.
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Une situation étrange, qui n’empêche pas les 1 055 candidats d’espérer remporter l’un des 161 sièges de l’Assemblée des représentants du peuple. Il s’agit vraiment d’espérer, puisqu’à trois jours du scrutin, les candidats restent des inconnus.
Élections singulières
Un scrutin uninominal à deux tours, des partis tenus à l’écart qui pour la plupart boycottent les élections, et des candidats, en majorité apprentis politiciens, sans aucun encadrement, donnent le ton de ces élections pour le moins singulières.
« Toutes nos clés de lecture doivent être mises à jour pour analyser les résultats », indique un confrère d’Acharaa Al Magharibi. Comme l’ensemble de la profession, le journaliste se garde bien de publier le moindre pourcentage ou la moindre statistique, formellement interdite par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie). « La publication de sondages est interdite, mais le nombre de candidats semble un échantillon équivalent à 1 % de la population », remarque un ancien de l’Institut national des statistiques (INS).
Des circonscriptions sans candidat
Même les néophytes savent, néanmoins, que la participation risque d’être en deçà des attentes, d’autant que dans dix circonscriptions les jeux sont déjà faits puisqu’un seul candidat s’y présente. Dans sept autres, il n’y a tout simplement aucun prétendant et il faudra attendre le second tour pour que l’Isie statue sur leur situation. « Il faut oublier tout ce qui a été utile pour les scrutins précédents. Celui-ci sera faible faute d’enjeu réel et la cartographie électorale est telle que quatre régions vont être essentielles aux résultats : Sidi Bouzid (Centre), Kasserine (Ouest) et les deux de Sfax », prévoit un politologue.
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L’expert souligne aussi que la future Assemblée des représentants du peuple (ARP) aura des prérogatives bien moins étendues que les précédentes et qu’elle devra aussi travailler avec le Conseil des régions (dont on ne connaît encore ni la configuration ni les modalités de création). « Il y a fort à parier que le Parlement va vivoter un certain temps », prévoit un entrepreneur de Sousse qui se demande s’il était vraiment nécessaire d’élire des députés « qui ne nous ressemblent pas ».
Candidats atypiques
La morosité ambiante est quand même rompue par des candidats atypiques qui pourraient être considérés comme excentriques ou loufoques s’ils n’étaient, justement, candidats. Ils ont réussi le temps d’une journée à être populaires sur les réseaux sociaux. Sur la très chic commune de la Marsa (Tunis), Mohamed Ali Bouaziz, prétendant à l’hémicycle, a ainsi sillonné la bourgade vêtu de l’habit traditionnel des cavaliers du Zlass. Mais les riverains ont rapidement découvert que celui qui paradait était également l’huissier qui avait en 2012 participé à la fermeture d’une exposition d’arts plastiques au palais Abdallia qu’il avait jugée irrévérencieuse.
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À Béja (Nord), un autre candidat a choisi de saluer la foule depuis une limousine à toit ouvrant, à la manière d’un Bourguiba. Une attitude jugée farfelue dans une région agricole profondément touchée par la hausse des prix des intrants et la sécheresse. Maher Jedidi vice-président de l’Isie, a préféré imputer à une manipulation partisane la diffusion de ces images.
Cette Assemblée sera le symbole de tout ce que nous avons raté
De toute évidence, ce Parlement se distinguera aussi des précédents en termes de représentativité. Sur les 1 055 candidats, 190 sont sans activité réelle ou fixe, 94 sont des chefs d’entreprises, 284 sont issus de l’enseignement, 22 sont avocats et quatre huissiers notaires. Bien loin de la majorité de juristes et de médecins ou autres professions libérales qui constituaient le plus gros du contingent des anciens hémicycles.
« Il est peu probable que cette Assemblée soit animée de débats houleux et constructif, ou qu’elle impulse un changement quelconque. Elle sera par contre le symbole de tout ce que nous avons raté », soupire un ancien député du parti Machrou Tounes.