C’est bien dommage pour Didier Deschamps, mais il n’existe pas une recette miracle pour composer une liste de champion du monde. Le sélectionneur connaît la règle du jeu, sa cruauté et sait avoir fait « des malheureux » ce mercredi 9 novembre. En 1998, il avait assisté en capitaine influent à la fuite en taxi des six recalés de la dernière heure par Aimé Jacquet, trop amers pour passer une nuit de plus à Clairefontaine (Yvelines). Il est toujours possible d’ergoter, de prétendre que les Anelka, Ba ou Lamouchi méritaient un ticket même de seconde classe pour l’Histoire, le sélectionneur tranche toujours à la fin avec ses certitudes et ses doutes aussi.
Quelle était la balance entre les deux sentiments chez Didier Deschamps au moment d’annoncer sur le plateau du 20 heures de TF1 les 25 joueurs retenus pour s’envoler vers le Qatar et sa Coupe du monde controversée (20 novembre-18 décembre) ? « En toute honnêteté, ce n’est pas la plus facile, mais les circonstances font qu’en cette période, et mes collègues sélectionneurs sont confrontés aux mêmes difficultés, il y a des joueurs en phase de récupération, certains qui sont blessés hier et d’autres qui pourraient l’être ce soir », a concédé le sélectionneur.
Un peu de marge
Entre les blessés, les patraques et les convalescents, le Basque a mis de côté sa préférence pour un groupe de 23. Après dix ans de boutique, il maîtrise les subtilités des règlements FIFA et sait qu’il peut envoyer sa liste définitive jusqu’à lundi, 19 heures. De quoi lui laisser un peu de marge pour affiner son effectif.
Olivier Giroud en fait partie, comme dix autres champions du monde en titre. C’est l’histoire de sa vie et sa carrière, l’attaquant de 36 ans déjoue les pronostics, presque toujours en sa défaveur. Depuis l’Euro 2021, Deschamps ne convoquait le deuxième meilleur buteur de l’histoire des Bleus qu’en cas d’indisponibilité de Karim Benzema. A son âge, le Chambérien n’allait pas commencer une carrière de remplaçant sans avoir quelques états d’âme, devait-il se dire.
Mais les choses ont évolué ces dernières semaines, sur le terrain comme en dehors. Giroud brille avec le Milan AC, Kylian Mbappé loue sa complicité avec lui (ce qui n’a rien d’innocent après la brouille entre les deux hommes à l’approche du dernier Euro) et personne n’offre les mêmes garanties que lui comme doublure d’un Benzema en délicatesse avec une cuisse. A entendre son sélectionneur, la situation est limpide. « J’ai une position par rapport à Olivier, il la connaît à travers les discussions que l’on a pu avoir assez fréquemment. La situation a évolué bien évidemment, c’est pour cela que je considère que c’est mieux pour l’équipe de France qu’il soit avec nous. » Une façon de concéder qu’il ne pouvait pas se passer de lui.
« Il faudra mieux défendre »
En revanche, Didier Deschamps s’est passé de Jonathan Clauss (Marseille). Dans la journée, les rumeurs préalables à son absence donnaient la tendance du soir, celle d’un virage tactique. Fini les pistons sur les côtés comme l’ancien du RC Lens (ou le Madrilène Ferland Mendy), Deschamps tourne la page du 3-4-3 et revient à une défense à quatre, certes moins tendance mais plus conforme à ses goûts tactiques profonds. « On a fait de bonnes choses dans ce système, mais on a aussi été beaucoup en déséquilibre. Ça ne va pas nous faire gagner dans une grande compétition. Il faudra mieux défendre », prévient-il.
Il revient alors à l’esprit ses propos lors des lendemains heureux et insouciants du titre de 2018. Deschamps annonçait que pour continuer à gagner, son équipe était condamnée à changer, à surprendre. On ne braque jamais deux fois la même banque, du moins pas de la même façon. Alors, le pragmatique a innové, remporté la Ligue des nations en octobre 2021 avec cette défense à trois mais sans oublier que son équipe avait manqué de chavirer à 2-0 contre la Belgique en demi-finale avant un sauvetage par ses talents offensifs (3-2).
Embouteillage dans l’axe de la défense
Pour former cette arrière-garde à quatre, le patron a vu large avec huit défenseurs axiaux. C’est beaucoup, mais Raphaël Varane et Presnel Kimpembe sont encore convalescents et offrent aux Saliba, Upamecano et Konaté l’espoir de peut-être forcer leur destin de remplaçants.
Sur les côtés, Théo Hernandez est, lui, le seul latéral de métier de la liste mais sera normalement la doublure de son frère Lucas (autre convalescent) à gauche. A droite, Benjamin Pavard part avec une longueur d’avance sur Jules Koundé. Deux « axiaux » encore. Titillé à ce sujet en conférence de presse, Didier Deschamps a plaidé la polyvalence, cité le cas comparable d’Eder Militao avec le Brésil.
Une autre question l’a mis dans ses petits souliers. Est-il possible d’être champion du monde avec un milieu de terrain aussi dépourvu d’expérience et dans lequel Adrien Rabiot fait figure de général cinq étoiles avec ses 29 sélections ? Après un temps de silence, le sélectionneur a avoué « ne pas avoir la réponse » et précisé que cette jeunesse devait aussi beaucoup aux absences de N’Golo Kanté et Paul Pogba.
Aux côtés de Rabiot et d’un Aurélien Tchouaméni propulsé comme cadre avec une petite année de boîte, le troisième homme (dans le cas probable d’un retour au 4-3-3) doit être choisi parmi Youssouf Fofana, Mattéo Guendouzi, Jordan Veretout et Eduardo Camavinga : 17 matchs avec les Bleus à eux quatre.
Léger, mais il n’existe pas non plus de recette type pour conserver un titre de champion du monde, performance inédite depuis le Brésil (1958, 1962). Rien n’interdit de croire que l’exploit est possible avec ces 25 joueurs, surtout quand ils évoluent presque tous dans les meilleurs clubs européens et que l’un d’eux (Karim Benzema) a un Ballon d’or pour l’attendre sur sa cheminée. L’autre réalité est de rappeler que les Bleus n’ont remporté que trois matchs sur huit en 2022. Mais cette saison pas comme les autres débute vraiment le 22 novembre à Doha contre l’Australie.
La liste des vingt-cinq joueurs convoqués par Didier Deschamps
Gardiens : Alphonse Areola (West Ham), Hugo Lloris (Tottenham), Steve Mandanda (Rennes)
Défenseurs : Lucas Hernandez (Bayern Munich), Théo Hernandez (AC Milan), Presnel Kimpembe (Paris Saint-Germain), Ibrahima Konaté (Liverpool), Jules Koundé (FC Barcelone), Benjamin Pavard (Bayern Munich), William Saliba (Arsenal), Raphaël Varane (Manchester United), Dayot Upamecano (Bayern Munich)
Milieux : Eduardo Camavinga (Real Madrid), Youssouf Fofana (Monaco), Mattéo Guendouzi (Olympique de Marseille), Adrien Rabiot (Juventus), Aurélien Tchouaméni (Real Madrid), Jordan Veretout (Olympique de Marseille)
Attaquants : Karim Benzema (Real Madrid), Kingsley Coman (Bayern Munich), Ousmane Dembélé (FC Barcelone), Olivier Giroud (AC Milan), Antoine Griezmann (Atlético de Madrid), Kylian Mbappé (Paris Saint-Germain), Christopher Nkunku (RB Leipzig)