En Irak, l’impasse politique perdure et les tensions s’accumulent. Pour la deuxième fois de la semaine, des partisans de l’influent leader politique chiite Moqtada Al-Sadr ont envahi samedi 30 juillet le Parlement irakien, après avoir pénétré dans l’ultrasécurisée zone verte de Bagdad, qui abrite les institutions gouvernementales et les ambassades. Les partisans ont annoncé « un sit-in [qui durera] jusqu’à nouvel ordre », selon un bref communiqué du courant sadriste. Un photographe de l’Agence France-Presse (AFP) qui se trouvait avec les manifestants est entré avec eux dans le Parlement.
Les forces de sécurité irakiennes ont tenté dans un premier temps de repousser les manifestants, faisant usage de gaz lacrymogènes. Sans succès : comme mercredi, déjà, les partisans de Moqtada Al-Sadr ont finalement pénétré l’enceinte du Parlement pour rejeter le candidat au poste de premier ministre présenté par les adversaires d’Al-Sadr.
Le blocage politique est total en Irak, qui attend toujours la nomination d’un nouveau président et d’un premier ministre, dix mois après les législatives d’octobre 2021. Faiseur de roi et trublion de la scène politique, le leader chiite Moqtada Al-Sadr a lancé une campagne de pression maximale contre ses adversaires.
« Tout le peuple est avec toi, Sayyed Moqtada ! », ont scandé les contestataires, utilisant son titre de descendant du prophète de l’islam. Les manifestants dénoncent la candidature au poste de premier ministre de Mohammed Chia Al-Soudani, jugé proche de l’ancien chef du gouvernement Nouri Al-Maliki, ennemi historique de M. Al-Sadr. « Nous sommes là pour une révolution de la réforme (…) pour rendre victorieux le peuple et Sayyed Moqta Al-Sadr le leader », a lancé Haydar Al-Lami, un manifestant. « Le corrompu nous n’en voulons pas, et nous ne voulons pas essayer ceux qu’on a déjà vus » au pouvoir, a-t-il dit, interrogé par l’AFP. « Ils ne nous apportent rien, depuis 2003 jusqu’à maintenant ce sont les mêmes, ils nous ont porté préjudice. »
« Révolution »
Issu du sérail politique, M. Soudani est le candidat du Cadre de coordination, alliance de factions chiites pro-Iran regroupant la formation de l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki et les représentants des Hachd Al-Chaabi, ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières.
S’il a aujourd’hui décidé de maintenir la pression sur ses adversaires, M. Al-Sadr leur avait pourtant laissé la tâche de former un gouvernement, faisant démissionner en juin ses 73 députés : ils représentaient la première force au sein du Parlement de 329 députés.
« Nous aurions souhaité qu’ils attendent la formation du gouvernement pour évaluer sa performance, lui donner une chance s’il est bon, ou le contester si ce n’était pas le cas », a récemment déploré dans un entretien à l’antenne arabe de la BBC le politicien chiite Ammar Al-Hakim, allié du Cadre de coordination.
« Le courant sadriste a un problème avec l’idée que c’est le Cadre de coordination qui va former un gouvernement. Si ce n’est pas M. Soudani, si un deuxième ou troisième candidat est désigné, nous pouvons nous attendre également à des objections », a-t-il estimé.
« Poursuivre l’escalade politique accroît les tensions dans la rue », a regretté dans un communiqué l’actuel premier ministre, Moustafa al-Kazimi. Au total, au moins 100 manifestants et 25 membres des forces de sécurité ont été blessés samedi en marge des manifestations, selon le ministère de la santé.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les partisans d’Al-Sadr ont saccagé à Bagdad des bureaux du parti Al-Daawa (« L’Appel ») de M. Maliki, ainsi que des locaux du parti chiite Al-Hikma, la formation du politicien Ammar Al-Hakim, qui fait partie du Cadre de coordination, selon une source de sécurité.