Patrick Drahi a-t-il servi ses intérêts financiers sous le couvert d’activités philanthropiques ? C’est la question que pose l’enquête publiée, vendredi 4 octobre, par le magazine suisse Heidi.news, dans le cadre d’une série d’articles fondés sur des documents confidentiels piratés il y a quelques mois dans l’entourage du milliardaire par un groupe cybercriminel.
Heidi.news a plongé dans les coulisses de la Patrick and Lina Drahi Foundation, une organisation créée en Suisse en 2016 par le magnat des télécoms et des médias (SFR, BFM-TV…) et son épouse pour financer des projets dans les sciences, l’éducation et les arts. Aux côtés des subventions accordées à plusieurs universités, hôpitaux et projets culturels, déjà connues, apparaissent des éléments inédits qui questionnent la vocation non lucrative de la fondation.
D’après le média suisse, la fondation a secrètement rémunéré la fille de Patrick Drahi, à hauteur de 10 000 francs suisses (environ 10 120 euros) par mois avec un contrat de consultante, alors qu’elle occupait officiellement la fonction de présidente à titre bénévole. Un courriel interne suggère même que son contrat a été antidaté pour justifier le paiement de ces émoluments, que M. Drahi aurait initialement souhaité lui transférer sous la forme d’une donation.
L’exonération fiscale en question
Heidi.news a également découvert que la fondation avait directement financé Altice, le groupe de télécoms et de médias du milliardaire. D’après les documents qui ont fuité, la fondation caritative s’est engagée à verser 100 millions de dollars (environ 103 millions d’euros) entre 2019 et 2030 à la branche américaine du groupe. En échange, Altice USA s’est engagé à produire une émission confidentielle sur l’entrepreneuriat en Israël diffusée sur la chaîne i24 News (également propriété de M. Drahi). En finançant ses propres activités commerciales avec l’argent de sa fondation issu de donations déductibles des impôts, M. Drahi pourrait avoir enfreint les règles qui lient les fondations, selon un expert fiscaliste interrogé par Heidi.news.
A la lumière de ces éléments, Heidi.news s’interroge sur la compatibilité de la fondation de M. Drahi avec le statut d’organisme à but non lucratif, qui ouvre le droit à une exonération totale d’impôts sur le sol suisse. La doctrine fiscale suisse prévoit en effet que « les éventuels buts lucratifs que pourraient poursuivre les membres au travers de sociétés proches seraient un obstacle à l’exonération ». D’après les documents consultés par le média suisse, l’autorité de supervision helvétique a jusqu’alors toujours validé la conformité des activités de la fondation. Les autorités fiscales du canton du Valais lui ont même octroyé un accord fiscal préférentiel, dit « rescrit », qui lui permet de contourner l’obligation de consacrer au moins 20 % de ses donations à des projets suisses.