Et si l’Etat dépensait plus ? La proposition peut paraître osée, pour ne pas dire complètement incongrue dans une période où les équilibres budgétaires sont déjà impossibles à trouver. La France a une dette de 3 milliards, qui représente l’équivalent de toutes les richesses produites pendant toute une année par les entreprises implantées en France, et même un peu plus. C’est dire son caractère abyssal.
Pourtant, à une époque différente et dans un environnement économique marqué tout de même par une croissance en stagnation, c’est le choix qu’a fait, quelques années à peine après la guerre de 1870, l’ingénieur et homme d’Etat Charles de Freycinet (1828-1923), ministre des travaux publics de 1877 à 1879. La France considérait à l’époque que la guerre avait été perdue en partie parce que les réseaux de transport étaient insuffisants pour permettre le ralliement des hommes sur le lieu du conflit.
Pour relancer l’économie, mais aussi en ayant tiré les leçons de la défaite, l’Etat va engager des travaux d’ampleur un peu partout dans le pays qui vont concerner aussi bien les ports, les canaux que les lignes ferroviaires. C’est ce qu’on a appelé le « plan Freycinet ». Un plan d’une ampleur inégalée au XIXe siècle marqué par une hausse brutale de 40 % des dépenses d’investissement, pour créer notamment 181 lignes et 8 848 kilomètres de voies ferrées dites « d’intérêt général ».
Bénéfiques sur le plan du climat et des activités humaines
A cette époque, il est fait le choix conscient et raisonné de reprendre et réorganiser des lignes déficitaires, mais jugées nécessaires sur le territoire, et ce pari, celui que fait Charles de Freycinet, va se révéler gagnant puisque le produit national brut va croître de 20 % en trois ou quatre ans… Alors, certes, le « Rapport sur l’avenir du transport ferroviaire », remis en février 2018 par Jean-Cyril Spinetta au premier ministre Edouard Philippe, nous a démontré, une multitude de chiffres à l’appui, le manque de pertinence de certaines lignes ferroviaires : 45 % du réseau ne représentant que 2 % des voyageurs, 46 trains par ligne et par jour en France, contre 140 aux Pays-Bas ou 85 en Allemagne…
Bref, une « palanquée » de chiffres qui ressemblaient à une sentence irrévocable ! Pourtant, s’il faut aller sur ce terrain-là, aux arguments économiques en faveur de la suppression des lignes, on peut opposer d’autres arguments économiques. Qu’en est-il au juste, dans cette approche, du lien entre transport, désenclavement, et emploi ? Qu’en est-il de la qualité de vie et du moral des Français, toutes choses qui par ailleurs influencent la consommation et donc aussi l’économie d’un pays ?
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