Le 9 novembre, « Black Panther : Wakanda Forever » sortira au cinéma. Ce n’était pas gagné car Disney a failli réserver ce Marvel à sa plateforme Disney+. Hélène Etzi, présidente de Disney France, a fait durer le suspens jusqu’au 17 octobre, mettant les exploitants de salles sur les charbons ardents. Depuis janvier dernier, le studio américain met la pression.
Ce qu’on appelle dans le jargon « la chronologie des médias » – ce calendrier qui fixe les moments où un film peut être exposé au cinéma, en VOD, à la télé, etc. – , telle que fixée aujourd’hui, ne lui convient pas. Il s’estime entravé pour programmer ses propres films sur Disney+. En face, une bonne partie de la profession estime que cette chronologie est la clef de survie du cinéma français.
La France privée du Disney de Noël
En janvier donc, Disney a refusé de signer l’accord interprofessionnel, se voyant du coup imposer la chronologie la moins favorable. Elle ne peut exposer ses films sur Disney+ que 17 mois après leur sortie en salle, contre 15 mois pour la plateforme Netflix qui, elle, a paraphé l’accord d’autant plus facilement qu’elle est un poids très léger dans le cinéma. Pour Disney, les enjeux sont tout autres. Dans beaucoup de pays, un film peut être sur une plateforme 45 jours seulement après la salle.
La clause de revoyure sur cette chronologie était fixée en janvier 2023. Pourtant, dès ce 6 octobre, tout le monde s’est retrouvé autour de la table. Il faut dire qu’entre-temps, le studio avait décidé de mettre la France – et seulement elle – au régime sec : « Avalonia, l’étrange voyage », le Disney de Noël, la sortie familiale par excellence avec ses popcorns et autres confiseries aux marges financières si attrayantes, sautera la case salles et sera réservé à Disney+. Une année normale, ce serait déjà un très sale coup. Une année où manque un tiers du public, c’est une catastrophe.
Acteur majeur des entrées en salle
Le 18 octobre, en marge d’un déplacement à Strasbourg, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, est venue en soutien de Disney : « la chronologie des médias (…) ne peut pas être un bloc de marbre figé. » Et de rappeler : « Ces blockbusters, qui font venir beaucoup de monde dans nos cinémas, on en a besoin. » Car au-delà du box-office immédiat, « ces films américains financent le cinéma français ».
Explication : une taxe de 10,72 % est en effet perçue sur tous les tickets, quelle que soit la nationalité de l’œuvre, mais son produit aide exclusivement les films français. Or, en 2019, Disney assurait 24% des entrées : de quoi peser lourd dans le rapport de force.
Les discussions sont donc réouvertes pour fixer un nouveau cadre d’ici février. Mais elles se déroulent sous une épée de Damoclès. « Dans l’intervalle, nous continuerons à décider au cas par cas de la stratégie de sortie de nos films », a twitté Hélène Etzi, la patronne de Disney France.