Dans une interview au JDD, Dominique Schelcher évoque une inflation et des coûts énergétiques qui pèsent de plus en plus sur l’ensemble de la chaîne alimentaire et qui augmentent le risque de pénuries.
Combien de produits vont disparaître des rayons de nos grandes surfaces dans les prochaines semaines? Difficile à dire pour l’instant mais le nombre de références touchées par des pénuries devrait augmenter d’après Dominique Schelcher, interviewé dans le JDD ce dimanche.
« Selon la Coopération agricole, qui représente un tiers des marques, beaucoup de producteurs seront bientôt contraints d’effectuer des choix de gammes, à cause de coûts trop élevés: des agriculteurs décideront par exemple d’abandonner la volaille au profit des céréales », explique le PDG de Système U.
« Dans quelques semaines ou quelques mois, des produits habituels risquent de faire défaut dans les rayons. »
Le dirigeant estime que ce sont les produits les plus onéreux comme la charcuterie ou le fromage mais aussi les produits se vendant le moins qui subiront le plus les arbitrages des fabricants.
L’énergie pèse lourd dans les dépenses
À l’origine de ces problèmes qui touchent le secteur agroalimentaire, la flambée des prix de l’énergie émerge en tête: la plupart des entreprises ne bénéficient pas d’une protection à la hauteur du bouclier tarifaire réservé aux particuliers. Pour Dominique Schelcher, cette hausse « met les PME du secteur au pied d’un mur insurmontable. »
« Les TPE-PME qui n’ont pas anticipé, parce que souvent isolées et sans accès à des informations fiables, sont obligées de renégocier des contrats trois à quatre fois plus chers », déplore-t-il. « D’où des difficultés énormes qui menacent à terme leur survie. »
Pour illustrer son propos, le dirigeant cite des exemples particulièrement édifiants d’un producteur d’endives dont la facture va passer de 76.000 à 800.000 euros entre 2022 et 2023 ou encore d’une ETI dont ce coût énergétique est multiplié par plus de quatre entre 2021 et l’année prochaine où elle atteindra 45 millions d’euros. Système U n’échappera d’ailleurs pas au phénomène puisque la propre facture du groupe doublera en 2023.
« C’est bien plus grave que pendant la pandémie »
Pour Dominique Schelcher, cette crise est d’une ampleur sans précédent au cours du dernier demi-siècle. Les conséquences de la guerre en Ukraine ont empêché un retour à la normale après les perturbations liées à la pandémie de coronavirus depuis deux ans.
« Chez Système U, nous n’avons toujours pas retrouvé le rythme habituel d’approvisionnement alimentaire antérieur à la crise sanitaire », indique-t-il. « À la fin de l’année dernière, les premières tensions sur les matières premières se sont fait sentir, liées à une très forte reprise économique. (…) Ces tensions ont engendré une recrudescence des ruptures de certains produits. »
« Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, des signes d’inflation étaient déjà perceptibles. »
Si les difficultés sont antérieures à l’invasion de l’Ukraine, « le conflit a inévitablement aggravé la situation » et « perturbe la chaîne agroalimentaire durablement et profondément » avec un taux de rupture de produits qui est passé de 2% à plus de 10%.
« La chaîne alimentaire française se situe à un tournant », souligne le patron de Système U. « C’est bien plus grave que pendant la pandémie. Tout peut basculer très vite. S’assurer de la quantité d’approvisionnements devient presque une obsession pour un certain nombre de nos fournisseurs. »
Dans cette période trouble, Dominique Schelcher poursuit les négociations autour des prix avec les producteurs et industriels et dit vouloir favoriser les produits locaux alors qu’apparaissent des « premiers signes » de baisses de volumes dans les achats des clients sous l’effet de l’inflation persistante.