Canadien 2022-2023: les deux patins dans la reconstruction

« La rondelle, c’est le présent, mais tout le reste, c’est le futur. » Martin St-Louis utilise souvent cette analogie pour décrire l’information que doit absorber un joueur sur la glace. 

Dans une ère de reconstruction, le Canadien gardera les yeux bien loin de la rondelle. 

Jeff Gorton et Kent Hughes ont établi un plan bien concret. Et il détonne avec la gestion antérieure. À l’époque de l’ancien directeur général Marc Bergevin, le CH avait comme mentalité de ne jamais évoquer la possibilité d’une reconstruction pour replacer l’équipe sur les rails. Ce mot restait tabou. 

Dans les années sombres, Bergevin évoquait une réinitialisation rapide (reset on the fly) à la place d’une réelle reconstruction. Mais il y a maintenant un changement de régime à Montréal. Le propriétaire Geoff Molson a misé sur deux têtes dirigeantes en Gorton et Hughes pour revoir la fondation de cette équipe.  

Dès ses premiers jours dans le siège de vice-président des opérations hockey, Gorton avait ouvert la porte à une reconstruction. 

« C’est une possibilité que l’on doit prendre en considération, disait-il au Journal le 27 janvier. On pourrait devoir faire beaucoup de changements et ça pourrait être la meilleure façon d’aller de l’avant. »

« Alors, si on adopte cette voie, ça va prendre un peu de temps », avait averti l’ancien DG des Rangers de New York. 

Du ménage

Plus de huit mois après cette déclaration de Gorton, le CH a déjà changé d’image. Il n’y a pas de doute que l’avenir représente la clé. 

Carey Price ne bloquera probablement plus jamais une rondelle, Shea Weber est maintenant dans les livres comptables des Golden Knights de Vegas, alors que Tyler Toffoli, Ben Chiarot, Artturi Lehkonen— et Brett Kulak ont été monnayés à gros prix pour redorer la banque d’espoirs et de choix de l’organisation. 

Le DG Hughes a également utilisé l’espace salarial disponible avec la blessure à long terme de Price pour ajouter un choix de premier tour à sa collection en acceptant le contrat d’une seule saison de Sean Monahan, des Flames de Calgary. 

De jeunes espoirs

Nick Suzuki portera maintenant le « C » de capitaine. À 23 ans seulement, l’Ontarien est le plus jeune à recevoir cet honneur chez le Canadien. Et ce choix n’a rien d’anodin. Suzuki incarne le présent, mais aussi l’avenir de cette équipe. 

Hughes bâtira sa formation autour de Suzuki et de Cole Caufield. Ancien gagnant du trophée Hobey-Baker dans la NCAA, Caufield a connu une renaissance l’an dernier sous la gouverne de l’entraîneur Martin St-Louis. 

Sans un horrible début de saison, le petit ailier aurait atteint le plateau des 30 buts. Il a un instinct de marqueur rare. On n’a pas vu un joueur comme lui à Montréal depuis des lunes. On doit remonter à Stéphane Richer, auteur d’une saison de 50 buts (51 en 1989-1990) avec le Tricolore ; c’est probablement le dernier ayant eu le même flair de marqueur que Caufield.

Premier de classe du repêchage de 2022, Juraj Slafkovsky disait même, avant de grimper sur l’estrade au Centre Bell, qu’il aimerait compléter le duo de Suzuki et Caufield. En Slafkovsky, le CH a ajouté un autre ingrédient rare, celui d’un gros attaquant de puissance susceptible de marquer plusieurs buts. 

Mais le Slovaque demeure une pierre à polir à 18 ans. Un développement sain sera essentiel avec lui. 

Une défensive suspecte

Alors que le CH misera sur de la profondeur à l’attaque, c’est tout le contraire à la ligne bleue. À quelques jours de l’ouverture de la saison, il y a seulement trois défenseurs en santé avec plus de 200 matchs dans la LNH en David Savard (673), Mike Matheson (417) et Chris Wideman (245).

Joel Edmundson, un adjoint à Suzuki, est l’autre défenseur expérimenté du groupe, mais il n’a pas joué depuis le début du camp en raison d’une autre blessure au dos. 

St-Louis et son adjoint Stéphane Robidas devront donc faire confiance à des jeunes défenseurs. Kaiden Guhle, Jordan Harris, Justin Barron et Arber Xhekaj sont de beaux espoirs, mais ils auront besoin de temps pour apprendre le métier. 

Le temps, c’est encore une fois un concept important pour l’organisation. Jake Allen sera celui qui cherchera à colmater les brèches avec fort possiblement Samuel Montembeault comme adjoint. Encore à cette position, le CH n’a rien d’une puissance. 

Pour poursuivre sa reconstruction, le Canadien n’aura pas la pression de devoir gagner immédiatement. Les partisans devront s’y faire. L’hiver sera encore long. Mais à l’été, il pourrait y avoir une autre récompense avec les Connor Bedard, Matvei Michkov, Adam Fantilli ou Zach Benson, quatre gros espoirs pour l’encan de 2023.  

À quel rang le Canadien peut-il logiquement aspirer?

Sur le simple plan mathématique, le CH ne peut descendre plus loin que le 32^e rang. C’est déjà une progression à envisager. Le Canadien a gagné le classement à l’envers l’an dernier avec un dossier catastrophique de 55 points (22-49-11). C’était deux points de moins que les Coyotes de l’Arizona et cinq de moins que le nouveau bébé de la LNH, le Kraken de Seattle. Il n’y a pas de réelles attentes quant au nombre de victoires cette saison. Kent Hughes et Jeff Gorton ont un horizon à long terme, mais Martin St-Louis risque de pousser pour obtenir quelques moments joyeux. Sur papier, le Tricolore devrait encore se battre pour la dernière position dans l’Association de l’Est, mais probablement pas pour le dernier rang du circuit. Les Blackhawks de Chicago et les Coyotes ont les yeux sur la loterie et Connor Bedard. Sans sortir une boule de cristal, le Canadien devrait terminer entre les 26^e et 30^e rangs.

Kent Hughes a déjà 11 choix en banque pour le prochain repêchage. Le DG terminera-t-il l’année avec plus ou moins de choix ?

Une réponse facile. Plus. Hughes ne déviera pas de son plan. Il n’ira pas à la chasse pour un joueur ou deux dans le but de boucher des trous. Il voudra acquérir de bons espoirs et d’autres choix, surtout qu’on décrit la cuvée de 2023 comme très talentueuse et profonde. S’il guérit de ses maux de dos, Edmundson pourrait servir d’appât, comme Ben Chiarot l’an dernier. Sean Monahan, Evgenii Dadonov et Jonathan Drouin seront aussi des options pour déplacer des pièces. Mais ils auront besoin d’un réveil offensif, car ils viennent avec de gros salaires à cinq millions et plus. Idem pour Mike Hoffman, mais il a une autre saison à son contrat de 4,5 millions $ après cette année. Et il n’a rien d’un Artturi Lehkonen. S’il ne marque pas, il ne s’arrachera pas le cœur pour le bien de l’équipe. 

 Juraj Slafkovsky jouera-t-il plus de matchs avec le gilet du Canadien ou avec celui du Rocket ?

Il y a des philosophies qui s’entrechoquent. La LNH ou la Ligue américaine ? Tous les attaquants repêchés au premier rang au total depuis Mats Sundin avec les Nordiques de Québec en 1989 ont tous ouvert la saison dans la LNH dans les mois qui ont suivi leur sélection. Slafkovsky pourrait grandir sur le plan de l’intelligence et non sur le plan physique, en restant dans l’environnement de St-Louis. Il profiterait sur une base quotidienne des conseils d’un membre du Temple de la renommée. Mais le Slovaque aura besoin de suivre le rythme dans la LNH. Il a les habiletés, le gabarit et le désir d’apprendre pour y parvenir. À Laval, Slafkovsky jouerait toutefois à un niveau inférieur et il aurait l’occasion de dominer. Si on doit se mouiller, on y va avec plus de matchs sous les couleurs du Canadien.

À sa dernière année de contrat, Jonathan Drouin parviendra-t-il à relancer sa carrière ?

C’est une question à 100 000 $. On croyait que Drouin repartirait sur de bonnes bases avec Dominique Ducharme, son ancien mentor avec les Mooseheads de Halifax. Des blessures et des problèmes de santé mentale ont toutefois miné ses chances de devenir l’ailier dominant qu’on voyait en lui. À 27 ans, Drouin n’a plus le choix. Il doit rebondir. S’il connaît une bonne saison, il se donnera une chance de renégocier un bon contrat avec le CH, ou il donnera l’option à Kent Hughes de l’échanger à une bonne équipe. La balle est dans son camp. Il aura besoin de rester en santé, une mission qui n’a rien de facile pour lui depuis trois ans. 

Une saison de 40 buts pour Cole Caufield. Illusion ou réalité ?

On répond réalité. Trevor Zegras, le grand ami de Caufield, lui avait prédit une saison de 40 buts pour sa saison recrue. Le petit ailier a arrêté le compteur à 23, mais il a marqué 22 buts en 37 rencontres seulement sous la gouverne de St-Louis. Quand on fait une simple règle de trois, Caufield aurait inscrit 49 buts à ce rythme dans une saison complète avec St-Louis. Âgé de 21 ans, l’ailier originaire du Wisconsin a connu un très bon camp. Il y a clairement une belle complicité entre lui et Nick Suzuki, un centre très créatif.