Une année 2022 particulière, marquée par l’offensive russe en Ukraine : depuis plusieurs mois, Tracfin, la cellule française de renseignement financier et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, contribue à l’effort de « guerre financière » contre le régime de Vladimir Poutine.
Nommé directeur le 20 janvier, un mois avant le déclenchement du conflit, Guillaume Valette-Valla a profité de la sortie du rapport annuel de Tracfin, mercredi 27 juillet, pour détailler les missions du service rattaché à Bercy, qui coordonne une « task force » associant l’administration fiscale et les douanes : identifier les oligarques proches du Kremlin détenteurs d’avoirs en France (comptes, villas…), afin qu’ils puissent être placés sous sanctions européennes et que leurs biens soient gelés ou, le cas échéant, saisis ; s’assurer que ces possibles soutiens à la guerre ne contournent pas les mesures de gel sur le territoire, par exemple par le biais de sociétés écrans ou de trusts intervenant pour leur compte ou celle de leur famille, et dissimulant leur identité.
« Les notaires et les banques sont informés des mesures de gel et sont tenus de déclarer toute tentative de contournement, plusieurs cas ayant déjà été recensés », déclare au Monde Guillaume Valette-Valla. Au total, au 3 juin, 1 158 personnes physiques et 98 entités russes et biélorusses ont été placées sous sanctions européennes, parmi lesquelles un petit nombre détient des avoirs en France. Dans l’Hexagone, 1,186 milliard d’euros d’actifs (financiers et non financiers) ont été immobilisés, dont plus de 705 millions correspondant à plus d’une cinquantaine de biens immobiliers gelés. Dans cette deuxième phase de la gestion de la crise ukrainienne, un autre chantier sensible est engagé, qui consiste à repérer de possibles infractions commises en France par ces oligarques sous sanctions. « Toute suspicion de blanchiment, sur le sol français, d’une infraction comme la fraude fiscale, l’escroquerie ou la dissimulation de l’identité du bénéficiaire effectif d’un bien fera l’objet d’une transmission à la justice », avertit le nouveau patron de Tracfin. La cellule antiblanchiment ne peut toutefois s’autosaisir, et doit cantonner son action au règlement européen sur les sanctions.
Détournement de dispositifs d’aides publiques
Mais la Russie est loin d’être le seul dossier à l’agenda de Tracfin et de ses 200 agents. De fait, comme le montre le rapport annuel pour 2021, le nombre de déclarations et d’informations de soupçons transmises à l’autorité, sur tous types d’infractions, ne cesse de croître : plus de 165 000, un chiffre en hausse de 43 %, émanant pour l’essentiel des professionnels assujettis à la lutte antiblanchiment (banques, assureurs, professionnels du droit, des jeux, de l’immobilier etc.) et pour le reste, d’organismes publics. Plus de 37 millions de notifications sur des dépôts ou retraits d’espèces supérieurs à 10 000 euros, cumulés sur un mois civil, lui sont également parvenues de façon automatique, comme l’exige la loi.
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