Le projet de réforme de l’assurance-chômage, dont les détails ont été présentés aux partenaires sociaux, lundi 21 novembre, par le ministre du travail, Olivier Dussopt, vise à faire varier la durée d’indemnisation selon l’orientation du marché du travail. Lorsque le chômage baisse, les conditions se durcissent, quand il remonte sensiblement, elles s’allègent.
Si l’effet de balancier peut paraître logique, ses modalités sont discutables et son efficacité à moyen terme n’est pas garantie.
Le gouvernement a décidé de réduire d’un quart la durée d’indemnisation pour tous les demandeurs d’emploi dont les droits s’ouvriront à partir du 1er février. Au-dessus d’un taux de chômage de 9 % (7,3 % actuellement) ou dans le cas d’une brusque détérioration supérieure ou égale à 0,8 point sur un trimestre, le barème redeviendra celui qui est appliqué aujourd’hui. En revanche, le durcissement entrera en vigueur automatiquement sous ces seuils.
La volonté de réformer le marché du travail est alimentée par deux frustrations. La première : malgré une nette amélioration depuis cinq ans, le taux de chômage en France reste deux fois plus élevé que celui qui est constaté en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. La seconde : malgré plus de trois millions de demandeurs d’emploi, 360 000 postes restent non pourvus.
Le raisonnement selon lequel l’instauration d’un régime d’indemnisation plus sévère conduirait mécaniquement à réduire les tensions sur le marché du travail peut sembler cohérent. Sa limite est qu’il ne s’appuie sur aucune étude sérieuse et détaillée pour démontrer que le nombre d’emplois non pourvus est corrélé au degré de générosité du système d’allocation-chômage.
Des facteurs nombreux
Les raisons pour lesquelles les offres d’emploi ne trouvent pas preneurs relèvent de nombreux facteurs. Elles peuvent tenir à l’inadéquation entre les compétences requises et le niveau de formation des chercheurs d’emploi, à des conditions de travail insuffisamment attractives, à des contraintes géographiques ou familiales.
Il ne s’agit pas de nier que des personnes peuvent choisir de continuer à être indemnisées au lieu d’accepter une offre disponible. Mais il est difficile d’en faire une généralité et surtout d’en faire la solution unique au problème des difficultés de recrutement dans certains secteurs. D’autres pays, qui disposent de systèmes avec des durées d’indemnisation plus courtes, connaissent les mêmes tensions pour embaucher. L’autre question est de savoir s’il est équitable de durcir les conditions d’indemnisation à partir de chiffres du chômage nationaux, alors que la capacité et la rapidité à retrouver un emploi dépendent étroitement de la situation spécifique de chaque bassin d’emploi.
Cette réforme suscite, à juste titre, l’inquiétude des syndicats. Mais son efficacité ne pourra être jugée que dans le cadre plus global de la politique menée actuellement pour tenter d’en finir avec le chômage de masse. Beaucoup de leviers sont simultanément activés : réforme du lycée professionnel, développement de l’apprentissage et de la formation tout au long de la vie, gestion des fins de carrière, amélioration des capacités d’accompagnement de Pôle emploi…
Si ces mesures ont le mérite de la cohérence, leurs effets sur le marché de l’emploi risquent d’être bousculés par le ralentissement de la croissance qui menace. Or la justification d’un recul sur des acquis sociaux ne peut tenir que si les résultats sur le front de l’emploi sont très nets en fin de quinquennat. Le pari n’est pas gagné.