Thomas Rabe n’est pas du style à faire du sentiment. Une semaine après sa fusion avortée avec TF1, le 16 septembre, le PDG de Bertelsmann, maison mère de M6, a déjà matière à se consoler. Après un test de marché mené au pas de charge, et « inondé de manifestations d’intérêt », comme il l’a raconté au Financial Times, il a au moins trois offres sur la table. Dont deux d’attelages inédits et plutôt inattendus.
Thomas Rabe
Niel-Berlusconi, « la fusion du minitel rose et du Bunga-bunga »
L’un rassemble Xavier Niel (Iliad, Mediawan, Le Monde…) et Silvio Berlusconi (MediaForEurope, ex-Mediaset), tous deux déjà candidats au premier tour, il y a dix huit mois. Un duo qui interroge et inquiète beaucoup en interne à M6. « C’est la fusion du minitel rose et du Bunga-bunga! « , tacle un responsable.
Xavier Niel
« 20 euros par action, pas moins »
L’autre attelage mené par Stéphane Courbit (FL Entertainment), avec Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac), et Rodolphe Saadé (CMA-CGM), nouveau trublion des médias et propriétaire de La Provence. Avec 20 euros en cash par titre, cette offre 100 % frenchy valorise les 48% mis en vente par Bertelsmann à 1,22 milliard d’euros. Pas si loin de la somme espérée du montage initial avec Bouygues (environ 1,4 milliard). Elle serait financée à 60% par Courbit, à 25% par Saadé, et à 15% par Ladreit de Lacharrière.
Stéphane Courbit
La palme au plus offrant
Daniel Kretinsky, autre postulant de la première heure, est aussi de retour. Les perspectives de synergies étant moindres pour l’homme d’affaires tchèque, que pour d’autres prétendants, il a fait une offre bien inférieure. Mais sur le papier, ses actifs dans les médias, emblématiques mais relativement limités en poids (un ticket dans TF1, une participation dans Le Monde, un prêt de 15 millions d’euros à Libération, Elle, Marianne…) font que sa candidature soulèvera moins de problèmes du côté de l’antitrust.
Daniel Kretinsky
La messe est pourtant loin d’être dite. Thomas Rabe, fragilisé par l’échec du mariage avec TF1, doit sortir par le haut sur ce dossier. D’autant qu’il nourrit les mêmes rêves de consolidation médiatique ailleurs en Europe, en Belgique, aux Pays-Bas, et même chez lui en Allemagne, où il a des visées sur ProSieben, le TF1 germanique. Outre-Atlantique, ses ambitions de racheter l’éditeur Simon and Schuster rencontrent aussi des obstacles.
Choisir la meilleure offre ou celle qui a le plus de chances d’être approuvée rapidement par les autorités, à Paris comme à Bruxelles? Comme lors du premier tour sur M6, lorsqu’il a retenu Bouygues, le patron de Bertelsmann devrait d’abord privilégier le plus offrant. »Il veut 20 euros par action, pas moins », affirme un acteur. « Il s’assurera surtout de ne pas risquer un autre revers », ajoute un proche.
Nul doute que les postulants au deuxième round vont aussi border leurs dossiers, notamment auprès de l’Arcom et de l’Autorité de la concurrence, avant de se risquer à déposer des offres fermes. Pour certains, les prochains jours seront donc décisifs.
Faire monter les enchères?
De quoi encore rebattre encore les cartes. Et donner envie à Thomas Rabe de faire monter les enchères? D’autres candidats peuvent encore surgir. Le 27 septembre, Vincent Bolloré (Vivendi), autre postulant éconduit au premier tour, n’avait pas bougé. Idem pour Patrick Drahi (Altice), pourtant toujours à l’affût « d’opportunités de croissance ».
Tactique ou bluff? Malgré l’agenda serré du renouvellement de l’autorisation de M6, prévue au printemps, Rabe ose jouer la montre: « le calendrier n’est pas un souci, nous n’avons pas la pression de vendre, confiait-il aussi au FT, il y a quelques jours. La consolidation du marché français arrivera tôt ou tard. Nous sommes patients et pouvons attendre. »