ROBERVAL | L’Italien Edoardo Stochino a offert une leçon de nage en eau libre à la Traversée du lac Saint-Jean, samedi, alors qu’il a su dompter le froid et les vagues dans une course marquée par une série d’abandons peu de temps après le départ.
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Impitoyable pour certains nageurs, le lac Saint-Jean a rapidement montré pourquoi sa réputation n’est plus à faire dans le monde de la nage en eau libre. Les 14 athlètes qui ont pris le départ depuis Péribonka ont eu droit à tout ce que le plan d’eau a de bon, ou de pire, à offrir.
Du vent, des vagues de trois ou quatre pieds par moments et un peu de pluie leur ont compliqué la vie, particulièrement en matinée. Certains ont difficilement composé avec la température de l’eau. Ils n’avaient pas droit à la combinaison isothermique puisque la température de l’eau était de 21 °C.
William Racine, de Beauport, était du lot. « J’ai tout simplement congelé », a résumé celui qui se frottait à la mythique course pour la première fois de sa vie.
« Ma course préférée »
Mais comme le malheur des uns fait le bonheur des autres, le héros du jour a justement profité de ces conditions pour montrer l’étendue de son talent et signer une deuxième victoire à la Traversée, après son triomphe de 2018.
« J’aime l’eau froide. Ce matin, j’espérais ne pas avoir à porter une combinaison isothermique. J’aime les vagues. À la maison, je m’entraîne dans la mer avec les vagues et l’eau froide. Et les vagues sont parfaites pour moi », a débité Stochino, 34 ans, avec son fort accent italien.
Celui qui pratique le métier de policier n’a pas tardé à appliquer sa propre loi dès la mi-course, où il a largué son principal rival, l’Argentin Franco Ivo Cassini, incapable de suivre le rythme dicté. Stochino a touché la plaque d’arrivée après un effort de 6 h 55 min et 4 s, un temps plus rapide de 40 minutes comparativement à sa dernière course ici en 2019.
« C’est ma course favorite. J’aime ce lac », a lancé le vainqueur, provoquant les acclamations de la foule.
Le Macédonien Aleksandar Ilievski a complété le podium.
Vague d’abandons
Le début de la journée a été marqué par quatre abandons dans un court laps de temps. Le vétéran Damian Blaum (Argentine), qui en a vu d’autres, a d’abord été mis K.-O. par le froid, qui a provoqué chez lui une crise d’asthme. Le Français Bertrand Venturi, William Racine et l’Égyptien Marwan Elamrawy ont ensuite jeté l’éponge. Une série noire qui s’est étirée sur seulement 75 minutes.
« Tous les symptômes d’hypothermie sont apparus. Ça m’a forcé à sortir de l’eau », a indiqué Racine.
« Là ça commençait à devenir critique. Je traînais des crampes depuis au moins 30 minutes. Ça, c’est correct, je suis capable de “dealer” avec, mais quand les autres symptômes sont arrivés : confusion, étourdissement, on sait que ça ne va plus bien. »
Venturi raconte pour sa part avoir eu les jambes « tétanisées ». « Le froid nous a quand même peut-être surpris et vite saisis. […] La douleur était tellement forte, je ne pouvais plus nager », a précisé le natif de Sète, dans le sud-est de la France.
« Ça a bien bougé, même dans la rivière Péribonka. Ça ne faisait pas semblant. […] On a tout vu. Pas de soleil, encore le vent, il y a des vagues… »
Fier de lui malgré tout
Quant à William Racine, sa journée de travail ne s’est pas déroulée du tout comme prévu. L’athlète de 26 ans avait comme objectif de terminer l’épreuve et d’apprendre le métier. Il aura assurément réussi l’un d’eux.
« Je pense que là je sais exactement sur quoi travailler, je sais avec qui travailler. J’ai appris beaucoup. Je pense que je vais être en mesure de bien me préparer pour l’an prochain si j’ai l’occasion de le faire. »
Une fierté de l’Université Laval triomphe
La Française Morgane Dornic s’est payée une deuxième victoire consécutive à la Traversée et son succès avait une petite saveur québécoise puisque la nageuse brille depuis plusieurs saisons au sein du club de natation de l’Université Laval.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce second triomphe a été réalisé avec panache. La jeune femme originaire de Morlaix, sur la côte nord de la Bretagne, a arrêté le chronomètre après 7 h 19 min 8 s se permettant même de chauffer le Macédonien Aleksandar Ilievski en toute fin de parcours. Elle a fini au 4e rang du classement général.
Stratégie
Âgée de 23 ans seulement, Dornic a usé de stratégie pour assurer son succès. Peu de temps après le départ, elle s’est retrouvée au sein d’un petit groupe. Mais le froid a peu à peu envahi son corps, l’obligeant à tenter quelque chose.
« Je me suis dit, est-ce que je reste dans le groupe ou est-ce que je m’en vais toute seule ? Parce que c’est toujours un risque de partir seule. J’avais un peu froid, donc je me suis dit autant aller à mon rythme et partir. Je sais que je suis quand même bonne pour tenir un rythme longtemps. Je me suis dit let’s go et ça a quand même payé », a-t-elle raconté, tout sourire, pendant que son fan club l’acclamait.
« Allez Momo ! »
Plusieurs de ses partisans avaient revêtu un gilet blanc sur lequel on pouvait lire « Allez Momo ! ». Un appui qui lui a fait chaud au cœur.
Membre du club de natation de l’UL depuis six ans, elle terminera son parcours d’ici peu. Elle en retire de la fierté, mais aussi des apprentissages qui lui auront servi durant la journée de samedi.
« [Je retiens] le soutien que j’ai reçu. Le groupe, c’est sûr que ça aide toujours. Et le froid, peut-être, a-t-elle exprimé en riant. Les cinq hivers à Québec ça aide un peu à préparer le froid. »
Elle ne sait pas encore si elle sera de retour l’an prochain pour défendre son titre de double championne puisqu’elle aura alors terminé sa maîtrise en sécurité internationale. Et on risque d’avoir bien besoin d’elle ailleurs sur la planète.
Véritable leçon de courage
La Saguenéenne Émilie Tremblay avait promis de tout faire en son pouvoir pour terminer sa première Traversée du lac Saint-Jean. Avec une bonne dose de courage et de caractère, elle a tenu parole.
Les estrades de la Place de la Traversée s’étaient vidées de leurs spectateurs depuis un bon moment quand la nageuse de 20 ans a finalement rallié l’arrivée.
Familles, proches et amis encourageaient vigoureusement leur Émilie. Même l’organisation de la Traversée s’est assurée de ne pas manquer le moment et s’est avancée sur la rotonde pour applaudir l’héroïne du jour. Une arrivée triomphale, digne d’une gagnante.
Concrétisation d’un rêve
Émilie a finalement touché la plaque après environ 10 heures et demie d’effort. Son temps final n’apparaîtra pas sur la feuille de résultats officielle parce qu’elle a fini après le temps réglementaire.
Sauf que le temps ne compte plus quand on vient tout juste de réaliser son rêve. Un rêve né ici même, il y a près de dix ans.
« Épuisée ! » a-t-elle spontanément répondu après s’être fait demander comment elle allait. « Je suis fatiguée. Mais je suis vraiment fière de moi. Je pense que c’est ça qui ressort le plus. »
Des doutes
Si elle a douté ? Oui, admet-elle humblement. Mais elle a repoussé tout au fond d’elle-même cette envie de regagner Roberval à bord d’un bateau. « Quand il me restait six kilomètres, j’ai comme eu un regain d’énergie. Je ne sais pas si c’est parce que je savais que la fin approchait […] Mais j’ai eu un regain d’espoir. »
En solo
Son exploit, elle a dû le réaliser en solo. Ou presque, s’assure-t-elle de préciser.
« Moi, j’avais mon coach, mon guide qui m’encourageait. Dans l’autre bateau, il y avait mon père, mon frère et mon chum qui m’encourageaient. C’était en solo, mais je n’étais pas vraiment toute seule. »
Une présence rassurante qui lui a assurément permis de poursuivre son chemin. Les moments difficiles ont paru moins durs avec ses précieux alliés à ses côtés.
Elle n’ose toutefois pas se prononcer sur sa participation, éventuelle, à la 69e édition de la Traversée internationale du lac Saint-Jean l’an prochain.
« Ce n’est pas dans mes plans. Mon but c’était de le faire une fois et je l’ai fait. […] C’est plus non que oui », a-t-elle avancé avant d’aller prendre du repos. Personne n’osera dire qu’il n’est pas mérité dans son cas.