Déforestation, émissions de gaz à effet de serre, perte de biodiversité… notre système agricole et alimentaire contribue fortement à l’avancée du « jour du dépassement », signal de la soutenabilité de nos modes de vie.
A partir de ce jeudi, notre planète vit à crédit. C’est en tout cas le calcul issu d’un indicateur produit par les deux ONG WWF et Global Footprint Network. C’est ce qu’on appelle le « jour du dépassement »: L’humanité a consommé l’ensemble des ressources naturelles que la Terre est capable de produire et compenser en un an. Et il arrive deux mois plus tôt qu’il y a 80 ans.
Cette année, les associations attirent l’attention sur la place du système agricole et alimentaire dans la consommation de ressources et dans les causes plus globales du dérèglement climatique, une « cause majeure du dépassement ».
« Si le système agricole et alimentaire subit de plein fouet les conséquences du changement climatique et l’effondrement de la biodiversité, le modèle actuel est également l’un des principaux responsables de la surexploitation des ressources et contribue fortement à ce dépassement », écrit WWF.
« Notre système agricole et alimentaire a perdu la tête »
Selon cette même source, un quart de notre empreinte carbone se trouve dans notre assiette. En fait, 55% de l’ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année, ce qu’on appelle la biocapacité, est utilisée pour l’alimentation.
« Plus de 700 millions d’humains crèvent de faim, tandis que d’autres souffrent d’obésité en raison d’une alimentation inadaptée: notre système agricole et alimentaire a perdu la tête », fustige Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes au WWF France.
L’agriculture utilise près de 40% de terres émergées de la planète, soit près de cinq milliards d’hectares. C’est plus que tout le continent américain.
Pour 100 grammes de poulet, 96 grammes de soja nécessaires
Les trois-quarts de ces terres utilisées pour l’agriculture sont dédiées à l’élevage, notamment pour la production de céréales afin de nourrir les animaux. Par exemple, la moitié de la production européenne de céréales est utilisée pour l’alimentation des animaux d’élevage.
À titre d’illustration, sur les 65 millions de tonnes de maïs produites dans l’Union européenne en 2020-2021, 50 millions de tonnes ont été utilisées pour l’alimentation animale, rappelle WWF. Globalement, on estime que 63% des terres arables de l’UE sont directement associées à la production animale.
Toutefois, c’est surtout avec du soja que les animaux d’élevage sont nourris. Par exemple, pour produire 100 grammes de poulet, 96 grammes de soja sont nécessaires. Et la grande majorité de ce soja vient d’en dehors de l’Europe, notamment d’Amérique du Sud, ce qui implique des coûts de transports importants.
Déforestation et perte de biodiversité
Des chiffres impressionnants qui ne sont pas sans conséquences. Le soja est cultivé au détriment des forêts, qu’il faut raser pour la plantation. Selon WWF, l’agriculture est responsable de 90% de la déforestation. Ces cultures, qui ne cessent de s’étendre, menacent ainsi de nombreuses espèces sauvages. La déforestation pour la production alimentaire est liée à 70% de la perte de biodiversité terrestre.
L’Union européenne est par ailleurs le deuxième plus grand importateur de produits liés à la déforestation tropicale, derrière la Chine et devant les États-Unis. Elle s’apprête à conclure cette année ses négociations sur le règlement « déforestation » qui doit interdire la mise sur le marché européen de produits liés à la destruction des espaces naturels.
« Nous pouvons faire reculer le jour du dépassement de 17 jours »
« En réduisant notre consommation de viande de moitié, nous pouvons faire reculer le jour du dépassement de 17 jours », explique Laetitia Mailhes, de l’ONG Global Footprint Network, lors d’une conférence de presse ce mardi.
Or, le Global Footprint Network calcule qu’en faisant reculer le jour du dépassement de dix jours par an, il serait possible de le porter au 31 décembre à l’horizon 2050. En somme, l’humanité ne creuserait plus son déficit écologique.
Sans forcément passer d’un régime carné à un régime végétarien, au niveau mondial, « passer à un régime alimentaire durable en réduisant la consommation de produits animaux » et privilégier des produits locaux « pourrait réduire d’au moins 30% les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’alimentation, de 46% la disparition de la faune sauvage et de 20% les décès prématurés », écrit le rapport du jour du dépassement 2022.
« Alors si cette journée marque une fois de plus nos esprits, en arrivant si tôt dans l’année, elle doit maintenant engager un passage massif à l’action », lance Pierre Cannet de WWF.