Lundi, la quatrième langue nationale de Suisse a résonné dans la salle du Conseil national. Son nouveau président Martin Candinas s’est adressé en romanche aux conseillers nationaux. Durant toute son année en tant que premier citoyen du pays, il est déterminé à lui réserver une place de choix.
Depuis plus de 35 ans, il n’y a pas eu de président du Conseil national parlant romanche. L’accession à ce poste de Martin Candinas est donc un événement pour la région et ses 60’000 locutrices et locuteurs. Le centriste de 42 ans a promis que, durant son année au perchoir, il ne va pas se priver de parler sa langue maternelle.
Le 7 décembre, Martin Candinas va également annoncer les noms des deux nouveaux conseillers fédéraux en romanche, a-t-il fait savoir. Selon lui, ce sera un honneur et le point culminant de son mandat.
L’entier des débats ne sera toutefois pas mené en romanche: dès qu’il faudra entrer dans le vif du sujet, l’élu grison reviendra à l’allemand. Il n’y aurait en effet pas de traducteurs aptes à assurer, dans les trois autres langues nationales, la traduction pour le reste de l’Assemblée fédérale.
Une langue malmenée
Depuis dix ans, Adrian Camartin est journaliste à la Radio télévision romanche. Pour cet observateur, cette année de présidence est un atout pour la mise en valeur du romanche auprès des politiques: « Cela permettra aux parlementaires de prendre conscience que cette langue est utilisée au quotidien, à la boulangerie, à la poste. Ce n’est pas quelque chose d’exotique ou encore du folklore. »
Pour le journaliste, cette langue trouve toujours sa place quand la Suisse cherche à mettre en avant son multilinguisme, son attachement à ses quatre langues, à sa cohésion nationale, mais ce n’est pas suffisant: « Il faut se souvenir qu’il y a 60’000 personnes qui parlent en romanche. »
Souvent pas traduite par l’administration
Le romanche est une langue souvent oubliée, même par l’administration fédérale. Dernier exemple, en octobre, lors du lancement du compte Instagram du Conseil fédéral: le gouvernement s’est présenté en français, en italien, en allemand et en anglais, mais pas en romanche. Une bourde finalement corrigée par l’administration.
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Reste que pour la Lia Rumantsch, l’association chargée de la promotion de la langue et de la culture romanches, cet oubli est symptomatique. Son vice-secrétaire Andreas Gabriel compte donc sur cette année pour que l’on rediscute de sa place, souvent absente du service public: « La Poste ou les CFF, voire d’autres secteurs, communiquent toujours en trois langues: en allemand, en français et en italien, mais pas en quatre langues. »
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Un statut semi-officiel
La loi oblige l’administration fédérale à utiliser le romanche dans des circonstances bien précises. Par exemple, lors de ses échanges avec les personnes parlant cette langue ou dans des textes « importants ». La documentation sur les votations et les élections fédérales doit ainsi être publiée en romanche. En revanche, le service public n’est pas tenu de l’employer.
Andreas Gabriel espère que cette année de présidence fera avancer le dossier: « Elle va permettre de sensibiliser l’administration fédérale à ce sujet. L’administration est prête à faire de possibles adaptations. »
En 1985, Martin Bundi, le dernier Romanche avoir occupé la présidence du Conseil national, avait demandé une révision de la loi sur les langues. A l’époque, elle a abouti à un renforcement de la position du réthoromanche en Suisse et aussi dans les Grisons.
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Sujet radio: Céline Fontannaz
Adaptation web: Miroslav Mares