Le cinéaste français Jean-Marie Straub est décédé dimanche à 89 ans à Rolle (VD), sa ville d’adoption. Avec son épouse Danièle Huillet, disparue en 2006, il avait élaboré une œuvre exigeante, foncièrement moderne et à nulle autre pareille.
« La pureté des cadres, des sons et des textes a imposé une nouvelle manière de faire du cinéma, au plus près de la sincérité du discours et de la forme », a écrit dimanche Frédéric Maire, le directeur de la Cinémathèque suisse, qui a appris « avec émotion » ce décès.
Jean-Marie Straub avait tissé des liens étroits avec la Cinémathèque suisse. Une « longue et indéfectible amitié » le liait à Freddy Buache, l’ancien directeur de l’institution lausannoise, rappelle Frédéric Maire, qui suivait de près son travail depuis longtemps et l’a souvent reçu dans les archives et les salles de la Cinémathèque.
En 2018, à l’occasion de ses 85 ans, le cinéaste était venu y présenter son dernier film, « Gens du Lac », en première mondiale. L’histoire se déroule à Rolle, sur les rives du Léman, où il habitait avec Barbara Ulrich, sa compagne et productrice.
Rejet des conventions
Avec Danièle Huillet, décédée en 2006, il a tourné de nombreux films, une oeuvre « essentielle à notre histoire sociale, politique et esthétique », ajoute Frédéric Maire. Une approche caractérise leurs oeuvres, pour la plupart critiques envers la gauche et la politique: le renoncement au potentiel illusionniste et émotionnel du cinéma.
Avec leur style dénué d’émotions, ils ont transposé de préférence des modèles littéraires de Kafka, Böll, Malraux et Hölderlin. Ils ont rejeté le commerce et les conventions, et résisté au cinéma traditionnel, à Hollywood et au star-system. Jean-Marie Straub a remporté l’un de ses plus grands succès avec « Chronik der Anna Magdalena Bach » (1968), tourné avec Danièle Huillet.
Né le 8 janvier 1933 à Metz, il s’était formé au cinéma en regardant des films et en assistant aux tournages de réalisateurs comme Astruc, Bresson, Gance et Renoir. Fuyant la France pendant la guerre d’Algérie, il a trouvé refuge en Allemagne. C’est là-bas qu’il passe à la réalisation, en 1963, avec « Machorka-Muff » – d’après une nouvelle de Heinrich Böll – et qu’il devient l’une des figures du Nouveau cinéma allemand.
>> Réentendre Jean-Marie Straub lors de sa venue à la Cinémathèque suisse en 2012 :
ats/rad