Le secteur 18, dans le bâtiment historique de l’usine Volkswagen (VW), à Wolfsburg (Basse-Saxe), est un des hauts lieux de pouvoir du « made in Germany ». C’est là que siège le Betriebsrat, c’est-à-dire le comité d’entreprise, de VW, une sorte d’Etat dans l’Etat du premier groupe industriel allemand, et un bastion du grand syndicat de l’industrie, IG Metall (2,2 millions de membres).
Une instance sans équivalent mondial, sans qui rien ne se décide chez le constructeur automobile aux 630 000 salariés dans le monde. Depuis le printemps 2021, c’est une femme qui préside le puissant comité, pour la première fois en soixante-quinze ans d’histoire. Daniela Cavallo, 47 ans, mène les négociations salariales pour les 295 000 salariés de VW en Allemagne, qui ont commencé le 25 octobre. IG Metall réclame cette année 8 % d’augmentation, en raison de la forte inflation.
Alors que le patronat agite le risque d’une désindustrialisation, ces négociations sont un test de crédibilité pour celle qui a déjà surmonté plusieurs épreuves du feu depuis sa prise de fonctions : un spectaculaire conflit avec Herbert Diess, alors patron du groupe, qui s’est achevé par le limogeage du dirigeant au mois de juillet ; et une contestation, en justice, de son élection à la présidence, par une liste syndicale concurrente, pour l’instant sans effet.
« Il ne faut pas sous-estimer Daniela Cavallo », nous ont prévenus plusieurs observateurs (masculins) du groupe, impressionnés par sa pugnacité. Faut-il comprendre que la première impression peut tromper ? Longs cheveux châtains, tailleur souple et sourire affable, l’intéressée n’a certes pas le style austère et parfois belliqueux de ses prédécesseurs à ce poste. Et notamment celui de son mentor, Bernd Osterloh, président du Betriebsrat au caractère volcanique et peu amène, comme le Monde a pu le constater lors d’une rencontre en 2012.
Pouvoir plus collectif
De quoi confirmer alors le cliché selon lequel le mastodonte VW ne pourrait être dirigé que de manière autoritaire. « Je n’évite jamais les conflits, quand ils sont nécessaires », explique Mme Cavallo au Monde, au cours d’une rare interview. Après plusieurs patrons-empereurs, et le scandale des moteurs truqués de 2015, la nouvelle génération à la tête de VW conçoit désormais la pratique du pouvoir comme un exercice moins dictatorial et plus collectif.
« La confrontation permanente ne nous fait pas avancer, souligne Gunnar Kilian, directeur des ressources humaines du groupe, qui a auparavant travaillé étroitement avec elle au sein du Betriebrat. Je pense que cette façon de penser s’applique sans réserve aussi bien à Daniela Cavallo et Oliver Blume [nouveau patron du groupe] qu’à moi-même. Pour obtenir des compromis ensemble, il faut que les échanges soient francs et menés en confiance. »
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