Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en sciences politiques à l’université de Bordeaux. Spécialiste de l’histoire politique et de la sociologie du catholicisme français, il est notamment l’auteur d’Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous (Seuil, 2019). Il a codirigé, avec Florian Michel, connu pour ses travaux sur l’histoire intellectuelle et culturelle du catholicisme, l’ouvrage A la droite du père. Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours, qui vient de paraître (Seuil, 672 pages, 29 euros).
Cette somme décortique ce qui est parfois pris comme une évidence : la tendance des catholiques à soutenir la droite. Pour autant, les auteurs montrent la complexité du phénomène, soulignant notamment que les catholiques ont été des acteurs de la modernisation de la société française – même si certains sont aujourd’hui tentés par un repli conservateur.
On tend à associer les catholiques à la droite. Mais cela se vérifie-t-il sur le plan électoral ?
Cette identification est un lieu commun de nos imaginaires politiques depuis la fin du XVIIIe siècle. Toutefois, si on cherche à dépasser ces représentations un peu caricaturales, on s’aperçoit que l’on sait peu de choses sur ce sujet. Et les relations entre les multiples sensibilités du catholicisme et les différentes droites sont plus complexes qu’il n’y paraît. Le pluriel est important ici. Autre élément déterminant, ces relations ne sont pas stables, elles se distendent parfois pour se réaffirmer à d’autres moments.
Pour décrire cet univers mouvant, une distinction est nécessaire entre les catholiques à droite et les catholiques de droite. Les premiers constituent un fait culturel structurant sous la Ve République : ils votent pour la droite de gouvernement de manière massive. Cette orientation est d’autant plus stable qu’elle repose sur une mentalité collective ancrée dans la longue durée et forgée par tous les combats communs aux droites et aux catholiques. Et puis, à une échelle plus petite, mais décisive, il y a les catholiques de droite, qui sont des militants travaillant à orienter religieusement les droites. Le poids des catholiques à droite conditionne le crédit politique des catholiques de droite…
Les catholiques de gauche représentent pour leur part environ 25 % du vote des catholiques pratiquants. Par ailleurs, le soutien à la droite de gouvernement se traduisait traditionnellement par une forte résistance à l’extrême droite. Toutefois, depuis 2015, cette digue s’érode, sans que ce soit spécifiquement un phénomène catholique, puisque la dynamique favorable aux extrêmes s’étend à toute la société française.
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