Trente jours d’état d’urgence. C’est ce qu’a décrété vendredi 21 octobre Ahmed Al-Omda Badi, le gouverneur de l’Etat du Nil-Bleu, dans le sud du Soudan, tout en donnant les pleins pouvoirs aux forces de sécurité pour « faire cesser » des combats tribaux qui ont fait 150 morts en deux jours. Le texte, consulté par l’Agence France-Presse, appelle les commandants locaux de la police, de l’armée et des services de renseignement ainsi que des paramilitaires des Forces de soutien rapide « à intervenir par tous les moyens possibles pour faire cesser les combats entre tribus ».
Mercredi et jeudi, « 150 personnes dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été tuées, et 86 blessées », selon Abbas Moussa, le directeur de l’hôpital de Wad al-Mahi, à quelque 500 kilomètres de Khartoum, où ont eu lieu les violences. Dès lundi, les autorités avaient imposé un couvre-feu nocturne après la mort de treize personnes, selon l’ONU, dans des heurts entre des membres de l’ethnie des Haoussa et des clans rivaux, mais les affrontements ont repris malgré le déploiement sécuritaire.
Vide sécuritaire
Jeudi, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Ed-Damazin, capitale du Nil-Bleu, pour protester contre les violences. D’autres ont réclamé le départ du gouverneur. De juillet au début d’octobre, au moins 149 personnes avaient été tuées, et 65 000 déplacées, selon les Nations unies.
Au début de ces violences, les Haoussa s’étaient mobilisés à travers le Soudan, se disant discriminés par la loi tribale qui leur interdit, parce qu’ils sont arrivés les derniers dans le Nil-Bleu, de posséder la terre. La question de l’accès au foncier est très sensible dans le pays, l’un des plus pauvres au monde, où agriculture et élevage représentent 43 % des emplois et 30 % du produit intérieur brut.
Depuis le putsch du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, le 25 octobre 2021, les conflits tribaux sont en hausse du fait, disent les experts, du vide sécuritaire créé par le coup d’Etat. La semaine passée, 19 personnes ont été tuées, et 34 blessées dans des heurts tribaux au Kordofan occidental (Sud), selon l’ONU. Depuis janvier, près de 550 personnes ont été tuées, et plus de 210 000 déplacées par des conflits tribaux, selon l’ONU.