Culte de l’apparence, obscénité de la richesse, inégalités sociales… Avec Sans filtre, sa nouvelle comédie satirique, le cinéaste suédois Ruben Östlund brosse un portrait jouissif et ravageur de notre société moderne.
Gagnant de la Palme d’or au dernier Festival de Cannes, Sans filtre mélange de façon étonnante – et parfois déstabilisante – le film catastrophe, la satire grinçante et la comédie franche. On y suit les personnages de Yaya (la regrettée Charlbi Dean) et Carl (Harris Dickinson), un jeune couple de mannequins et influenceurs invité à faire une croisière sur un yacht de luxe en compagnie d’une clientèle ultra riche composée notamment d’un oligarque russe et d’un couple de milliardaires britanniques qui a fait fortune en vendant des mines antipersonnel.
Sur ce yacht piloté par un capitaine désabusé et alcoolique (délirant Woody Harrelson), les riches convives se font traiter aux petits soins par les membres de l’équipage, qui ont reçu la consigne claire de satisfaire toutes les exigences – même les plus farfelues – de la clientèle.
Sauf qu’un soir, pendant le traditionnel dîner du capitaine, une violente tempête viendra perturber le bon déroulement de la croisière. Les passagers ne sont pas au bout de leurs peines puisqu’à la suite d’un autre événement dramatique, un petit groupe d’entre eux échouera sur une île déserte et devra apprendre à survivre ensemble en mettant de côté leurs privilèges sociaux.
Sans concession
Après s’être fait connaitre à l’international avec l’excellent Force majeure (2014) et la comédie grinçante The Square (Palme d’or en 2017), le réalisateur suédois Ruben Östlund poursuit dans la même veine avec cette charge pas toujours subtile sur l’opulence et les dérives du capitalisme.
Sa proposition, sans concession, en irritera plusieurs, notamment dans l’inoubliable séquence du dîner du capitaine, qui se termine dans un déluge de vomi. Mais sous ses allures de comédie décapante et parfois même grotesque, Sans filtre offre une réflexion brillante sur les rapports de pouvoir et de classes sociales. Assez long (environ 150 minutes), le film aurait certainement gagné à être resserré, surtout dans le troisième et dernier acte, qui s’étire inutilement. Mais Sans filtre offre des moments tellement délirants et savoureux qu’on serait fou de bouder son plaisir.
Note : 3 étoiles et demi. Sans filtre (Triangle of Sadness), un film de Ruben Östlund avec Charlbi Dean, Harris Dickinson et Woody Harrelson.