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Crise énergétiqueLe scénario catastrophe pour une pénurie aigüe de courant
Si l’effort commun s’avère insuffisant pour réduire la consommation d’électricité, des coupures pourraient être décidées. Où et comment? Explications.
L’heure n’est pas encore au blackout en Suisse. Si le scénario est déjà écrit, il reste (pour l’instant) celui d’une fiction, rédigé de longue date par OSTRAL, l’Organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise, qui dépend de la Confédération. Pour faire face à la pénurie de courant, due notamment à la guerre en Ukraine, des coupures générales de plusieurs heures ne sont prévues qu’en dernier recours, au cas où les efforts volontaires, les coupures ciblées et les contingentements se seraient avérés insuffisants (lire encadré).
Courant alternatif
Le délestage concernera alors tout le monde. «Les exploitants interrompront l’alimentation dans leur région en alternant les zones, sur des périodes de 4h consécutives au maximum, éclaire Yves-Laurent Blanc, porte-parole de Groupe E, qui approvisionne les cantons de Fribourg et Neuchâtel. De notre côté, nous avons défini 150 secteurs, dont trois en ville de Fribourg, par exemple.» Les rotations auront lieu plusieurs fois par jour.
Au bout du Léman, les zones ne sont pas déterminées géographiquement mais par lignes électriques afin d’éviter une surcharge du réseau. L’effet sera le même: des interruptions de courant de minuit à 4h pour une partie des clients, puis de 4h à 8h pour d’autres, etc. D’un point de vue technique, la mesure peut s’effectuer facilement. «Ce n’est pas tout à fait comme appuyer sur un bouton on/off, mais presque», illustre Isabelle Dupont Zamperini, porte-parole des Services industriels de Genève (SIG).
Des coupures à différents rythmes
Si la Confédération devait opérer des délestages, deux modèles sont prévus. L’un «light»: un secteur A sera privé d’électricité pendant quatre heures, au tour ensuite du secteur B, puis du secteur C, et rebelote. Le secteur A n’aurait ainsi pas de courant durant quatre heures, puis il serait à nouveau alimenté les huit heures suivantes, avant une nouvelle coupure. L’autre modèle est plus strict: le tournus se ferait non plus sur trois, mais deux zones. Chacune serait alors privée d’électricité toutes les quatre heures.
Dérogations fixées
Décidé in fine par la Confédération, un éventuel délestage comportera des exceptions, liées à la santé et à la sécurité de la population. «Il y a des ininterruptibles, confirment les grands distributeurs. La liste doit encore être affinée mais les hôpitaux, les services d’urgences comme la police et les pompiers, les pénitenciers, des infrastructures de l’armée ou encore les usines d’eau potable en font partie.» Si les listes cantonales sont gérées par les Conseils d’Etat, Berne aura le dernier mot.
A priori, les supermarchés et les épiceries ne sont pas inclus dans cet inventaire. Un souci pour la conservation des denrées et la chaîne du froid? Certains magasins pourraient être en effet privés temporairement de courant. Ce sera à eux de se préparer en avance le cas échéant, selon les recommandations des autorités.
Cas particuliers difficiles à gérer
Quid d’un locataire médicalisé chez lui, des digicodes à l’entrée des immeubles, d’un appel au 117 via le téléphone fixe? «Ce sont autant de cas sur lesquels nous travaillons actuellement, par exemple avec l’Institut de soins à domicile (Imad)», expose Isabelle Dupont Zamperini. Mais vu le nombre de situations particulières, il sera sans doute difficile de toutes les résoudre. Un délestage ne se décidera cependant pas un lundi pour le mardi suivant: «Il faudra alors bien informer au préalable – ce que nous faisons déjà –, pour que chacun puisse prendre les meilleures dispositions possibles.»
Avant de plonger dans le noir
En matière d’économies d’électricité, le premier niveau d’action est celui que nous connaissons actuellement. Tout un chacun – privés, entreprises et administrations – est incité à faire des efforts pour réduire sa consommation, en éteignant par exemple les lumières en journée dans les bureaux, ou en diminuant l’usage de l’eau chaude. Si c’est insuffisant, le Conseil fédéral opérera des coupures ciblées. Elles frapperont des activités ou des dispositifs jugés non essentiels, comme les piscines, les climatisations ou l’éclairage des vitrines. Troisième mesure, avant le délestage: les contingentements. Contrôles à la clé, OSTRAL imposera alors une réduction de la consommation aux plus gros clients; soit, des infrastructures qui affichent plus de 100’000 kWh par an au compteur (ndlr: un ménage dans un quatre pièces à Genève consomme annuellement 3000 kWh, en moyenne).