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« 1 client sur 2 en fait son compte principal »

Boursorama Banque 2022 Benoit Grisoni


La dernière fois que nous avions échangé avec le directeur général de Boursorama Banque, Benoit Grisoni, une pandémie se préparait à bouleverser de façon profonde le secteur de la banque en ligne. Deux ans se sont écoulés et la concurrence s’est d’autant plus intensifiée. Mais les attentes des clients ne se résument plus à une simple carte bancaire internationale accompagnée d’un compte à vue. Les produits d’épargne, de crédit et d’investissement sont nécessaires pour attirer les clients, créer de la confiance, dégager des revenus et survivre.

Effet immédiat chez les néobanques, gravitant autour des banques en ligne avec des applications souvent plus rapides, plus sexy et aux inscriptions simplifiées. Face à Boursorama Banque, Revolut et N26 ont ouvert plusieurs offres payantes plus complètes et premium (mais toujours limitées au paiement) en délaissant leur offre gratuite. Et à ce même niveau de prestation, Boursorama Banque fait mieux avec une carte restée totalement gratuite, qui explique une partie du succès des 4 millions de clients de l’établissement, et ses 3 ans d’avance sur ses objectifs.

Loin devant ses concurrents, Boursorama Banque profite aussi de la consolidation du marché. Le retrait d’ING en France lui a valu une opportunité de récupérer une partie considérable du million de clients du portefeuille de la banque mobile. Mais le directeur général de Boursorama rappelait que “bizarrement, plus il y a eu de concurrents, plus nous avons recruté de clients”. Un cercle vertueux mentionné lors de notre échange ci-dessous, une occasion pour nous de revenir sur quelques-uns des principaux sujets du moment pour la banque.

Presse-citron : Boursorama Banque vient de dépasser les 4 millions de clients. Au départ, l’objectif était d’atteindre 4,5 millions en 2025. Au rythme des ouvertures de comptes actuel, le cap sera franchi en novembre avec 3 ans d’avance. Quels sont vos nouveaux objectifs ? Comment seront utilisées ces 3 prochaines années chez Boursorama ?

Benoit Grisoni : Dans la discussion de la stratégie future, nous continuons à dire que nous souhaitons être rentables à l’horizon 2024-2025. Cela fait partie de nos axes les plus importants. Nous voulons 100 millions d’euros de résultat net en 2024 et 200 millions de résultat net en 2025. Maintenant, sur la question du niveau de clients que nous voulons atteindre sur cette période, nous travaillons encore dessus. Il y a plein de critères à prendre en compte et notamment la profondeur du marché et la concurrence.

Presse-citron : Boursorama Banque a revendiqué une croissance de 100 000 nouveaux clients par mois. Est-ce que votre objectif est de maintenir cette croissance ? Et si oui, comptez-vous vous appuyer sur une croissance interne et externe ?

Benoit Grisoni : Nous avons bien sûr envie de rester en croissance. Pour autant, une croissance de 40% par an comme cette année n’est pas un rythme tenable dans la durée.

Nous avons quasiment toujours fait de la croissance organique ces six dernières années. Puis est arrivé un cas particulier qui est ING cette année. Mais il s’agit d’une croissance externe spécifique. D’un côté, nous avons racheté le portefeuille d’assurance-vie, dont les clients sont gérés par Boursorama depuis la semaine dernière (début juillet ndlr). De l’autre, pour les clients d’ING avec des comptes courants, des comptes-titres, des livrets, alors pour eux nous leur avons proposé de venir chez Boursorama. Mais cela n’était pas une obligation, nous n’avons pas racheté ce portefeuille de clients.

Presse-citron : Dans la situation du marché qui se consolide, est-ce que de telles opérations de croissance externe pourraient de nouveau survenir ?

Benoit Grisoni : Pourquoi pas ! Évidemment que l’on peut avoir des fois des dossiers qui sont intéressants. Mais il faut que ça réponde à un objectif. Par exemple, ce qu’on trouvait très intéressant avec ING, c’est que ce sont des clients qui ressemblent aux clients Boursorama. Ce sont des clients qui sont venus chez un acteur digital et qui sont très équipés en produits bancaires. Notamment sur l’épargne.

Alors l’avantage pour nous, c’est que se sont des clients qui arrivent avec un encours et une activité déjà très mâtures. C’est moins le cas d’un client qui arrive chez Boursorama en organique. Il est souvent très jeune : sur les 388 000 clients que nous avons recrutés au premier trimestre, 42% ont moins de 25 ans. Et l’âge moyen de nos clients est de 35 ans. Le client d’ING est plus âgé et a plus d’encours.

42% de nos nouveaux clients ont moins de 25 ans

Pour revenir à la question de la croissance externe, probablement que des difficultés vont apparaître chez certains acteurs ou que des choix stratégiques vont un peu changer avec le contexte qui évolue. Dans ce cas-là on regardera certains sujets et on regardera si les clients sont intéressants. Nous surveilleront aussi les outils d’infrastructure. Parfois ça peut être un moyen de récupérer des capacités que l’on n’a pas ou que l’on n’aura pas tout de suite.

Presse-citron : Comptez-vous aller à l’international ?

Benoit Grisoni : Jusqu’en 2019, nous avions des filiales en Allemagne, en Angleterre et en Espagne chez Boursorama. Il s’agissait de filiales de courtage en ligne dont la plupart ont fermé en 2015, mais nous avions encore de l’activité en Espagne. Nous les avons fermé car ces filiales étaient petites face à des concurrents beaucoup plus gros que nous. En parallèle, la banque en France se développait énormément. Et nous avons dû faire des choix sur nos investissements, et arrêter de disperser nos efforts sur des entités de petite taille qui étaient contraintes par un environnement à chaque fois un peu trop spécifique.

En 2022, si on raisonne en termes d’international, on va plutôt chercher à exporter les offres qui peuvent être exportées, sans besoin d’être adaptées au marché. Nous avons connu un échec par le passé à l’étranger alors évidemment on en a appris beaucoup. Face à la grande spécificité de chaque marché, il faut aussi prendre en compte les particularités fiscales et des problématiques bancaires. C’est notamment le cas avec le crédit.

Presse-citron : Quel est l’impact d’ING sur le marché ? Quel est le sentiment de marché sur ce retrait ? Pourquoi la banque de Boursorama est-elle plus résilliente ?

Benoit Grisoni : C’est une somme de choses. Je pense que nous avons eu la conjonction d’avoir une offre complète avant les autres. Elle est très large et depuis assez longtemps maintenant. Nous l’avons fait avant Hello Bank!, Ma French Bank, Orange Bank, etc… Nous avons aussi toujours été constants dans notre stratégie. Par exemple, avec une offre 100% digitale, où les clients font leurs opérations eux-mêmes et qu’il n’y a pas de réseau de distribution à rémunérer, il est logique que les prix soient beaucoup plus bas.

Nous avons aussi une marque connue, qui a apporté beaucoup de crédibilité face à des néobanques qui sont arrivées avec plus de difficultés. Les clients ont confiance et c’est primordial pour pouvoir faire de l’épargne avec eux. Si vous avez économisé pendant 10 ans de carrière professionnelle, vous n’avez pas envie de mettre vos 30 000 ou 50 000 euros d’économie dans une entité que vous ne connaissez pas et qui vous fait peur.

Après, nous avons aussi accéléré à un moment où d’autres ont peut-être hésité à le faire. Et plus vous prenez de l’avance, plus il y a un effet vertueux. Bizarrement, plus il y a eu de concurrents, plus nous avons recruté de clients. Il y a sept ans en arrière, notre principal objectif était que la banque en ligne soit considérée par les Français comme une vraie solution. Notre but n’est pas de nous battre avec les autres acteurs digitaux. Nous sommes encore des nains de jardin en quelque sorte encore.

Nous avons aussi accéléré à un moment où d’autres ont hésité à le faire

Presse-citron : Avec l’arrivée des néobanques, les banques en ligne sont devenues des acteurs sérieux sur le créneau de la banque mobile…

Benoit Grisoni : C’est vrai. Même si, pendant longtemps, on nous a vus comme des ringards. Beaucoup nous comparaient à des acteurs comme Revolut qui avaient des fonctionnalités qu’on ne savait pas faire ou qu’on n’avait pas bien fait. On a mis un certain temps à proposer le solde en temps réel sur les comptes à vue par exemple. Parce que nos cartes étaient à débit différé. Maintenant que nous avons des cartes qui sont principalement à autorisation systématique, on a rattrapé notre retard. Et donc ces acteurs ont été une source d’inspiration aussi.

Globalement tout le monde a contribué à faire grandir le marché lui-même. C’est pourquoi aujourd’hui nos concurrents, ceux vers lesquels on va aller chercher des clients, vont plutôt être Crédit Agricole, Crédit Mutuel ou BNP Paribas. Car finalement, chez les clients qui ont choisi leur acteur digital, ils basculent, mais pas tant que ça.

Nos concurrents, vers lesquels on va chercher des clients, ce sont plutôt Crédit Agricole, Crédit Mutuel ou BNP Paribas

Presse-citron : Plus globalement, le groupe Société Générale compte 8 millions de clients particuliers en France. Est-ce que le rapport de force va s’équilibrer entre Société Générale et Boursorama Banque ? Comment ces deux banques peuvent-elles cohabiter ensemble ? Quelle est l’incidence ?

Benoit Grisoni : Premièrement, nous sommes un nain par rapport au reste du groupe. Société Générale fusionne avec Crédit du Nord et ils auront 10 millions de clients. On en est encore loin chez Boursorama. Deuxièmement, Société Générale a des clients très différents. Il y a quelque chose que l’on sous-estime toujours dans la banque de détail : les professionnels. Les petites, moyennes et grandes entreprises représentent une activité colossale. C’est plus de 60% du PNB de la banque. C’est donc une activité très importante dans la banque de réseau par rapport à Boursorama.

Donc je crois que le groupe Société Générale a la chance d’avoir un acteur qui est en train de se consolider dans la banque de réseau, et un acteur du digital qui continue de progresser. Et ce sont deux modèles qui sont assez différents en termes de clientèle et très différents dans le modèle opérationnel et le modèle relationnel. Est-ce que demain nous pouvons nous permettre de se séparer de toutes les agences ? La réponse, on la connaît. Évidemment qu’il y a des Français qui ont besoin d’avoir des agences. Mais on sait aussi qu’il y a des Français qui n’en ont pas besoin. Et nous avons une réponse pour ces personnes.

Presse-citron : Sur la partie des comptes courants et des cartes bancaires, est-ce que Boursorama Banque restera droit dans ses bottes sur la question de la gratuité ? De nombreux concurrents privilégient désormais des offres payantes et des cartes intermédiaires entre leur carte gratuite et leur carte Metal.

Benoit Grisoni : Mon objectif, c’est d’équiper les gens plutôt que de chercher à les facturer tout de suite. Nous avons 15 000 euros par client en moyenne d’encours, là où d’autres acteurs comme Revolut et le compte Nickel étaient situés entre 300 et 500 euros en 2020. Sur la partie chiffre d’affaires et PNB, nos capacités à tirer des revenus s’expliquent principalement par le fait que nous avons une offre très complète.

Les clients sont très équipés, nous avons 15 milliards d’euros de crédit, à peu près 11 milliards sur la Bourse, 12 milliards sur l’assurance-vie, 12 milliards sur les livrets et 12 milliards sur les dépôts à vue. Ce sont des gros chiffres qui génèrent de la marge d’intérêt, ou de la commission financière, ou des frais de Bourse. Donc nous avons des revenus. On ne part pas d’une offre aussi spécifique dans le paiement chez les néobanques. Nos revenus vont moins dépendre d’une offre d’abonnement sur une carte bancaire.

Nos revenus vont moins dépendre d’une offre d’abonnement sur une carte bancaire

Notre modèle économique est construit autour d’une base de frais généraux beaucoup plus faible que dans un modèle bancaire classique. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas de réseau de distribution. Un consultant disait qu’un réseau de distribution correspond à peu près à la moitié des frais généraux dans une banque de détail. Nous n’avons pas envie de changer notre modèle alors même que cela fait 14 ans que nous nous battons pour être la banque la moins chère. On estime que l’on est plus efficace et que c’est le client qui travaille aussi à notre place. Alors il est normal que le client ait un avantage tarifaire important.

Presse-citron : Vous avez revu vos conditions d’accès à la prime de bienvenue. Une partie de son montant est conditionnée par le service EasyMove pour la mobilité bancaire, qui aide les clients à basculer leurs produits bancaires de leur ancienne banque vers Boursorama. Allez-vous redoubler d’efforts sur la fidélisation des clients dès leur ouverture de compte ? Quelle est la proportion de clients qui en font leur compte principal aujourd’hui ?

Benoit Grisoni : Je vais vous donner plusieurs chiffres. Nos clients font plus de 15 opérations par mois en moyenne. C’est autant que la moyenne nationale. Sur la question des clients actifs, Boursorama Banque en revendique aujourd’hui 86%. Et si je regarde les clients qui ont choisi d’en faire leur compte principal, soit au mois 10 opérations par carte et des flux créditeurs supérieur ou égal au SMIC, on est à 50%. Donc 50% de nos clients ont fait de Boursorama leur compte principal. Alors évidemment que certains clients ne peuvent être que des chasseurs de prime. Mais chez nous, c’est marginal et totalement géré.

50% de nos clients ont fait de Boursorama leur compte principal

Alors bien sûr, on doit être capable de justifier à tout moment nos gestes commerciaux, qui ont un coût important. Nous devons être en capacité de les rendre de plus en plus intelligents, tout en sachant que nous avons un contexte concurrentiel qui est très difficile, car nous sommes loin d’être les seuls à utiliser cette stratégie. Mais c’est un processus qui remplace schématiquement le conseiller commercial qui récupérait des clients parce qu’il était présent au coin de la rue. Donc pour pouvoir attirer un minimum nos clients, on doit pouvoir montrer une récompense face à leur effort d’inscription.

Presse-citron : Votre dernier gros changement concerne l’arrivée de la carte Ultim gratuite fin 2020, suivi de l’arrivée de la carte Metal. Quelle sera l’évolution de votre produit pour les deux prochaines années ? Quels sont les prochains projets sur lesquels vous travaillez ? Est-ce qu’on peut encore innover sur les produits ou des expériences ?

Benoit Grisoni : Dans les grands axes, notre taille va nous demander de proposer des offres plus adaptées pour certains types de clients. Par exemple pour les clients plus sophistiqués, avec des services de gestion de leur patrimoine, mais aussi du côté des professionnels. Nous avions lancé Boursorama Pro a minima et c’est une offre qui est loin d’être aboutie. Il faudra la revisiter pour qu’elle colle à notre offre pour les particuliers. Aujourd’hui, elle n’est pas satisfaisante.

Nous devons aussi aller plus loin dans le devoir de conseil. Aujourd’hui je pense que l’on est pas encore assez pertinent. Sur une échelle de 1 à 10 pour le conseil, je pense qu’on est à 2 ou 3. Il faudrait que l’on fasse plus et mieux. Qu’on puisse être capable via des services automatiques de conseiller chaque client sur les opérations d’épargne ou d’investissement qu’il faudrait commencer à faire dès maintenant – notamment faire plus de versements programmés sur des produits intelligents. Et sur l’épargne aussi. Nous avons un boulevard. C’est la grande bataille de demain.

Presse-citron : Par rapport à l’épargne, on est en train de voir toute une génération qui arrive dans la vie active et qui ne jure que par l’investissement. Elle constate l’inflation qu’il y a aujourd’hui, elle constate les taux de rémunération sur Livret A qui ne rapportent plus. Est-ce qu’il ne va pas y avoir une vraie éducation à faire en faveur de l’épargne ? Aujourd’hui pour beaucoup, l’épargne est morte et il faut investir.

Benoit Grisoni : Je n’opposerai pas les deux. Vous avez raison, il faut bien les distinguer, mais il ne faut pas oublier l’épargne de précaution. Alors bien sûr, ce n’est pas sexy et ce n’est peut-être pas rentable face à l’inflation. Mais à la fin, avec le peu qu’on a, on a besoin d’avoir une partie de disponible. On ne sait jamais. À un moment ou un autre, vous aurez besoin de cet argent et quand on voit que le marché peut perdre 20% comme à l’heure actuelle, il faudra bien pouvoir sortir cet argent même si ça nous arrange pas.

Mais il est certain que notre mission maintenant est de pouvoir accompagner chaque client individuellement. On est arrivés à un degré où les outils, les fonctionnalités sur les produits permettent de commencer à proposer des choses plus intelligentes, plus sophistiquées et plus personnelles à chacun.

Presse-citron : Cela veut dire que vous avez prévu du recrutement pour ces prochaines années ?

Benoit Grisoni : Oui. Beaucoup. Beaucoup sur la partie service client et sur la partie des conseillers commerciaux pour ceux qui en ont besoin au moment de la souscription. Et pourquoi pas aussi des conseillers financiers.

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