La «négligence» reprochée au pathologiste dans le dossier de l’ex-juge Jacques Delisle n’est pas suffisante pour faire tomber l’accusation de meurtre prémédité, plaide la Couronne, qui réclame un nouveau procès dans cette affaire.
• À lire aussi: Cour d’appel: le dossier de Jacques Delisle entendu en novembre
• À lire aussi: «Négligence inacceptable» au laboratoire: l’ex-juge Delisle, pas un cas unique
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conteste l’arrêt des procédures rendu en avril dernier contre l’ex-juge Jacques Delisle, aujourd’hui âgé de 87 ans.
La Cour d’appel devra maintenant déterminer si la Cour supérieure s’est trompée en concluant que le pathologiste de l’État a fait preuve de «négligence inacceptable» dans ce dossier.
Le tribunal de première instance reprochait à cet expert de ne pas avoir documenté suffisamment l’angle du tir et la trajectoire de la balle dans le cerveau de la défunte, au moment de l’autopsie.
Ces éléments étaient importants pour assurer la défense de Jacques Delisle, qui soutient que sa femme, Nicole Rainville, s’est enlevé la vie.
Dans son argumentation obtenue la semaine dernière au greffe de la Cour d’appel, le DPCP estime que l’État n’avait pas «l’obligation de déterminer la trajectoire précise de la balle» au moment de son enquête.
La trajectoire ne constitue pas un «élément essentiel de l’infraction que la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable afin d’obtenir une déclaration de culpabilité quant au meurtre», arguent les quatre procureurs au dossier, ajoutant que l’État n’a pas à enquêter sur «toutes les défenses possibles».
Faux, rétorque la défense
Cette proposition est «fausse et contraire à la preuve», rétorquent les avocats de Jacques Delisle dans leur exposé rendu public hier.
Ils rappellent que «sept pathologistes de grand renom» ont conclu que cette autopsie était «inadéquate».
Au surplus, deux experts suisses retenus par le ministère public en vue d’un éventuel nouveau procès auraient aussi soulevé des lacunes quant au travail de ce même pathologiste, poursuivent les criminalistes.
Position non conventionnelle
Le DPCP a de plus remis en question la thèse du suicide soumise par l’ex-juge Jacques Delisle pour expliquer le décès de sa femme.
Seule une «succession parfaite d’événements extraordinaires» rendrait cette thèse «vraisemblable», peut-on lire.
Avant même d’évaluer la question de la trajectoire de la balle, un éventuel jury devrait se pencher sur la façon non conventionnelle dont l’arme aurait été tenue et actionnée, poursuit le ministère public, qui juge que ces deux éléments sont indissociables.
Jacques Delisle devrait notamment convaincre un jury que son épouse – une droitière paralysée du côté droit – a réussi un «tir unique» de sa main gauche, à un angle précis de 90 degrés, et ce, en tenant l’arme à l’envers, soit la crosse vers le haut. Cela exige d’activer la gâchette avec la tranche du majeur.
Le jury a rejeté cette théorie lors du premier procès, en 2012, rappellent les procureurs. Ce à quoi la défense répond que ce n’est pas à l’accusé de rendre le suicide vraisemblable, mais bien à la poursuite d’en exclure la possibilité.
Pas d’erreur, selon la défense
Les avocats de Jacques Delisle soutiennent que la Cour supérieure n’a pas commis d’erreur et que cet appel doit être rejeté. Le DPCP affirme quant à lui qu’il appartient à un jury de trancher la question de la culpabilité.
Rappelons que Jacques Delisle a été condamné en 2012 pour le meurtre prémédité de son épouse.
Se disant victime d’une erreur judiciaire, il s’est adressé au ministre fédéral de la Justice, qui a ordonné un nouveau procès, en avril 2021. L’octo-génaire a pu retrouver sa liberté, après neuf ans passés derrière les barreaux.
En avril dernier, il bénéficiait d’un arrêt des procédures. Cette décision est contestée par le DPCP. La Cour d’appel doit entendre les parties le 22 novembre.