Alors que l’Europe est plongée dans une crise énergétique inédite et que sa sécurité d’approvisionnement est menacée, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, appelle à la solidarité entre pays européens et avec les économies émergentes.
Que pensez-vous de la décision de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, attendue mercredi 5 octobre, de réduire très fortement sa production ?
Notre monde n’a jamais connu de crise énergétique d’une telle ampleur, ni d’une telle complexité. Dans ce contexte, augmenter encore les prix du pétrole n’est pas la bonne voie à suivre, c’est mettre de l’huile sur le feu. Cela ne fera qu’accélérer le glissement vers une récession qui affecte les pays émergents plus lourdement que les économies avancées.
D’ailleurs, pour la première fois en vingt ans, le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité va augmenter cette année – elles seront 20 millions de plus. Les producteurs de pétrole et de gaz doivent réfléchir aux conséquences de leur décision visant à faire monter encore les prix.
L’Europe est-elle prête à faire face à l’hiver ?
Quelques jours après l’invasion de l’Ukraine [le 24 février], l’AIE a présenté un plan pour réduire la consommation de gaz russe et se préparer pour l’hiver. Nous avons fait des suggestions, telles que baisser le thermostat des radiateurs de 2 °C, raccourcir les délais d’autorisation pour les renouvelables, reporter la sortie du nucléaire dans certains Etats. Au départ, de nombreux gouvernements ont jugé que c’était trop radical. Mais la plupart l’ont fait.
Aujourd’hui, près de 90 % des stocks européens de gaz sont remplis. S’il n’y a pas de mauvaises surprises, comme le sabotage d’un pipeline ou un hiver extraordinairement long et froid, je pense que l’Europe peut traverser cet hiver : l’économie prendra des coups, mais l’Union européenne [UE] peut faire face s’il n’y a pas de grands incidents.
L’hiver 2023-2024 sera également particulièrement critique…
Les stocks de gaz sont pleins à 90 % parce que l’Europe reçoit encore un peu de gaz russe et que la Chine, le premier importateur de gaz naturel liquéfié [GNL] au monde, en a importé 20 % de moins que d’habitude depuis le début du conflit. Mais, en février, les stocks ne seront plus remplis qu’à hauteur de 25 % environ.
Or, l’année prochaine, il n’y aura plus de gaz russe, et Pékin devrait importer davantage de GNL. Il n’y aura pas non plus beaucoup de nouveaux flux de GNL sur le marché. Comment les stocks pourront-ils être rechargés entre février 2023 et l’hiver 2023-2024 ? Ce sera un grand défi.
Il vous reste 68.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.