Tout irait pour le mieux dans le meilleur des Faso, si l’on en croît les activités habituelles, ce 3 octobre, le long des artères d’une capitale blasée, mais aussi les propos tempérés des organisations internationales, quelques heures pourtant après la chute du chef de l’État Paul-Henri Sandaogo Damiba. 62 ans se sont écoulés depuis l’accession à l’indépendance de la Haute-Volta, avec dix présidents – 70 % de militaires – dont aucun n’a obtenu la martingale idéale : arrivée au pouvoir par les urnes et départ au terme prévu d’un mandat…
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Au pays des accidents politiques, la Cedeao semble relativiser ce nouveau bug, un treillis illégitime peu outrancier n’ayant finalement bousculé qu’un autre treillis illégitime peu outrancier, dans une sorte de rectification de la trajectoire du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). En mars, à Bobo-Dioulasso, le futur déchu lui-même n’avait-il pas invité les grognons à faire « leur coup d’État » s’ils étaient « réellement forts » ?
Violences ciblées
Chacun pourrait se satisfaire d’une passation de pouvoir presque aussi flegmatique qu’une rotation politique du Conseil fédéral suisse, si quelques violences n’avaient émaillé ces derniers jours. Des violences dont la partie émergée était civile, dans ce contexte de putsch militaire. Des violences ciblées contre des lieux d’influence française, ambassade ici, institut culturel là. Des violences qui tranchaient avec l’appel au calme, le 2 octobre au soir, de mutins devenus nouveaux hommes forts.
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Lesdits mutins étaient-ils pour autant étrangers à ces violences ? Pas tant que ça : la simple évocation de « nouveaux partenariats », ou d’un présumé accueil de Damiba dans la base française de Kamboinsin, ont suffi à mettre le feu aux poudres des activistes nourris aux chaînes comme Sputnik ou Russia today, dont les meilleurs scores de la version francophone se feraient notamment aux pays des Hommes intègres, selon le site britannique d’analyse de l’information similarweb.
Énième page blanche
Ultime pièce du puzzle : sur cette vague de populisme surfèrent les pourfendeurs pourtant français de la « dictature française », Egountchi Behanzin et Kemi Seba. Et la carte burkinabè de « vigilance » du quai d’Orsay de revêtir le monochrome rouge du « formellement déconseillé »…
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Vladimir Poutine saurait-il situer le Faso sur le planisphère ? Le Burkinabè fort du jour a-t-il reçu la moindre proposition de partenariat d’une entité russe privée ou publique ? Sur la énième page blanche de l’histoire burkinabè, Ibrahim Traoré – qui dit ne pas être intéressé par le pouvoir – devra choisir l’encre avec laquelle écrire. Et pas le temps de multiplier les brouillons, comme le capitaine le reconnaît lui-même : « Nous devons faire en trois mois ce qui devait être fait en douze mois ». Il n’ignore pas le proverbe local : « On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle ».