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Quand la CIA testait les champignons hallucinogènes

Quand la CIA testait les champignons hallucinogènes


Cinquante-quatre ans après le début de notre ère, l’empereur romain Claude meurt au terme d’une spectaculaire agonie, ponctuée par des râles et une explosion rectale. Quelques heures plus tôt, il avait avalé une assiette de ses champignons favoris. Selon les historiens, c’est sa femme, Agrippine, qui l’a fait empoisonner. L’objectif ? Faire accéder son fils, Néron, au pouvoir. Une fois intronisé, ce dernier dira des champignons qu’ils sont « la nourriture des dieux ».

Deux millénaires plus tard, ce meurtre intéressa au plus haut point les premiers cadres de la Central Intelligence Agency (CIA), l’agence de renseignement américaine fondée en 1947. « Penchons-nous sur les techniques d’assassinat, consigne un agent en 1949, dans une note. Trouvons les moyens les plus efficaces de tuer – comme l’impératrice Agrippine. » Au même moment, le sort funeste de Claude obsède un banquier new-yorkais, Robert Gordon Wasson (1898-1986), et sa femme, la pédiatre russe Valentina Pavlovna Guercken (1901-1958). Lors de leur lune de miel, en 1927, dans le nord-est des Etats-Unis, la découverte de champignons sauvages a failli mettre fin à leur mariage, Valentina se jetant dessus pour les cuisiner, Robert craignant au contraire d’être intoxiqué. Depuis, le couple se passionne pour ces végétaux. Au point d’ériger, au fil de ses recherches, une curieuse théorie : selon eux, le monde se diviserait en deux blocs, avec d’un côté les peuples « mycophiles », qui adorent les champignons, comme les Russes ; et de l’autre les « mycophobes », qui les abhorrent, comme les Américains.

L’espèce vénéneuse qui tua l’empereur

En janvier 1949, Valentina écrit à l’écrivain britannique Robert Graves au sujet de son best-seller Moi, Claude, paru en 1934. Dans cette biographie de l’empereur, l’Anglais se range à la thèse alors dominante : le médecin de Claude aurait versé du poison sur les champignons fatidiques. Valentina suggère une explication différente : et si quelqu’un avait ajouté dans le plat une autre espèce de champignons, vénéneuse celle-là ? S’ensuit une tortueuse correspondance entre Graves et les Wasson, qui décidera de leur destin. Dans une lettre de septembre 1952, le poète anglais signale au couple l’article d’un doctorant de Harvard, Richard Evans Schultes, publié en 1939, sur « le champignon narcotique des Aztèques ». Au cours de deux expéditions dans le village de Huautla de Jimenez, dans le sud du Mexique, ce botaniste a découvert que certains champignons font l’objet d’un culte parmi les populations mazatèques, sans parvenir à les goûter. Les Wasson se lancent aussitôt sur ses traces : durant l’été 1953, ils organisent un premier voyage sur place.

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