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Opinion politique, sexualité: la surveillance du personnel fédéral se révèle très intrusive – rts.ch

Opinion politique, sexualité: la surveillance du personnel fédéral se révèle très intrusive - rts.ch


Les contrôles de sécurité imposés aux fonctionnaires fédéraux et aux militaires peuvent aller très loin quand ces personnes ont accès à des données sensibles. Selon des informations du Pôle enquête de la RTS, les contrôles dérapent parfois. Un nouveau cadre légal doit être mis en place l’année prochaine.

Au nom de l’intérêt supérieur du pays, la Confédération pratique des contrôles de sécurité à l’engagement et de manière régulière envers le personnel qui a accès à des données classées confidentielles ou secrètes. Il s’agit de prévenir tout risque de fuite de données de la part d’employés présentant un risque de chantage, de corruption ou des actes déloyaux au bénéfice de puissances étrangères.

Quelque 5000 fonctionnaires sont concernés chaque année et à peu près autant dans des entreprises en lien avec la Confédération. Au niveau de l’armée, 60’000 recrues et militaires avec une arme subissent un contrôle de base ou plus poussé selon leur degré d’accès aux secrets défense.

Vie privée passée en revue

Ce contrôle du personnel fédéral a régulièrement fait polémique ces dernières années, soit parce qu’il était inefficace et trop lent, soit parce qu’il allait trop loin. Une réforme légale a été décidée en 2014 et elle est en phase de finalisation. Une ordonnance et ses annexes étaient mises en consultation jusqu’à la fin de la semaine dernière. Et surprise, le nouveau cadre légal se révèle plus intrusif que jamais.

Opinions politiques, religieuses, philosophiques, syndicales, relations familiales et amicales, sexualité, handicaps physiques et psychiques, consommation d’alcool et de stupéfiants ou encore lieux de vacances: voilà quelques exemples tirés des quatre pages de l’annexe 7 de l’ordonnance qui répertorie « les données pouvant être traitées à tous les degrés de contrôle ». Elle est censée régir dès l’été prochain les contrôles de sécurité relatifs aux personnes (CSP).

Des témoignages troublants

Cette liste officielle est une grande nouveauté et elle inquiète certains observateurs avisés. « Voilà la preuve écrite de ce qui se fait depuis des années et qui contrevient au respect des droits constitutionnels relatifs à la sphère privée », confie un témoin au Pôle enquête de la RTS. Il a lui-même subi un contrôle de sécurité qui a fouillé son activité politique. Un autre témoin explique que la séparation d’avec sa compagne était connue des enquêteurs fédéraux avant même qu’il n’en parle à ses collègues de travail, sans doute en ayant repéré un changement dans les registres de la police des habitants.

Ces témoignages et d’autres cas portés parfois devant le Tribunal administratif fédéral (seule voie de recours) font douter du strict respect du principe de proportionnalité et de transparence normalement dû aux personnes soumises à ces contrôles.

Recours gagnant d’une femme de ménage

Le cas le plus emblématique porté devant la justice concerne une femme de ménage. Elle a été déclarée comme personne à risque car il est apparu qu’elle avait des dettes et pourrait donc être sujette au chantage ou à la corruption. Dans un arrêt rendu en 2014, le Tribunal administratif fédéral a rétorqué que son accès à des données sensibles n’était pas démontré – elle faisait en fait le ménage dans des locaux de la Confédération pendant les heures de bureaux et devant tout le monde.

Un autre cas a frappé les esprits, mais pour des raisons inverses. L’ancien chef de l’armée Roland Nef n’est resté en poste que quelques mois en 2008 avant d’être poussé vers la sortie moyennant une indemnité de 275’000 francs. Des fuites dans les médias avaient révélé qu’il était sous enquête pénale pour avoir harcelé son ex-compagne. Dans ce cas, le contrôle de sécurité a été critiqué parce qu’il a été réalisé après la nomination et qu’il n’a pas été assez poussé.

Des contrôles trop nombreux

Autre problème: le nombre de contrôles a explosé (70’000 par année) en raison notamment d’une multiplication des fonctions classées comme sensibles. De quoi mettre sous pression le Service des CSP, une petite soixantaine de spécialistes – surtout des psychologues, d’anciens policiers et des juristes. Ils dépendent principalement du Département de la défense (DDPS). Une petite cellule rattachée à la Chancellerie fédérale assure les contrôles les plus délicats, ceux des très hauts cadres de l’administration.

Contrôles qui s’éternisent, dérapages, base légale trop floue: autant de raisons qui ont conduit à engager une réforme. Elle a été initiée en 2014 avec un double objectif: mieux cibler les données sensibles pour réduire le nombre de contrôles et établir des bases légales plus claires.

Un malentendu, selon le Département de la défense

C’est sur ce dernier point que la réforme s’avère délicate. La procédure de consultation révèle certaines craintes, comme l’a confirmé à la RTS le Département fédéral de la défense. La grande question est de savoir si l’intrusion dans la sphère privée ne va pas trop loin? Pour le DDPS, il s’agit avant tout d’un malentendu, qui pourra être corrigé en précisant mieux dans l’ordonnance quels garde-fous existent dans la nouvelle loi sur la sécurité de l’information.

Selon le DDPS, la longue liste des données est publiée principalement comme un gage de transparence. Et, surtout, les questions les plus sensibles ne doivent être abordées que dans un très petit nombre de cas. « Toutes ces questions sont posées uniquement à un nombre restreint de personnes qui exercent des fonctions particulièrement sensibles. Donc ça ne concerne pas les recrues par exemple », a expliqué au micro de La Matinale Gionata Carmine.

Consentement éclairé

Le chef de service insiste aussi sur le consentement éclairé que doit donner la personne. Et il garantit qu’aucune enquête secrète ne peut être menée. « On ne va pas filer les gens. On n’a pas les moyens de le faire et on n’a pas la base légale. Toutes les données qui nous sont transmises le sont soit dans le cadre de l’audition, soit elles sont déjà inscrites dans les différents registres auxquels on a accès, comme le casier judiciaire », développe Gionata Carmine. Il peut même arriver que l’accès aux comptes bancaires soit demandé.

Reste à savoir comment se passe et se justifie la partie la plus délicate des auditions et des enquêtes quand elles concernent la sphère intime. Un initié résume le malaise: « Si vous avouez que vous surfez sur des sites porno, vous passez pour un pervers à surveiller. Si vous répondez que vous ne le faites pas, vous passez pour un menteur ».

Vérifier si l’orientation sexuelle est assumée

Gionata Carmine reconnaît que les questions sur la sexualité sont délicates à aborder, mais il affirme qu’en général cela ne pose pas de problèmes si c’est bien expliqué et encadré. « Il n’est pas question pour notre service de porter un jugement sur l’orientation sexuelle d’une personne, mais bien d’exclure que cette personne puisse être mise sous pression, avec un danger de chantage en lien éventuellement avec ses orientations sexuelles. Donc la personne qui assume son orientation ou ses pratiques sexuelles n’est pas une personne qui représente un risque », explique le responsable.

Le dernier mot va revenir aux Commissions de sécurité du Parlement avant la mise en vigueur du nouveau cadre légal prévu pour l’été prochain. Des élus de droite comme de gauche nous ont indiqué vouloir exiger des limites très claires. Il va sans doute encore falloir préciser et justifier davantage les cas où les atteintes à la sphère privée sont autorisées au nom de la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays.

Ludovic Rocchi, Pôle enquête RTS

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