En raflant 90 sièges sur 125, dont 41 femmes, pour former son cabinet, François Legault avait l’embarras du choix. Pour le chef de la CAQ, c’est un sacré beau problème.
Son conseil des ministres 2.0 s’inscrit néanmoins dans la continuité, mais sans dédaigner pour autant une certaine volonté de changement.
Côté continuité, le premier ministre reconduit ses principaux piliers – Sonia LeBel au Trésor, Christian Dubé à la Santé, Simon Jolin-Barrette à la Justice, Eric Girard aux Finances et Pierre Fitzgibbon, son désormais omni-ministre de l’Économie, de l’Énergie et grand manitou de la Métropole.
Côté changement, M. Legault appelle quelques-uns de ses ministres du premier mandat à de nouvelles missions. Parmi eux, le passage de Mathieu Lacombe de la Famille à la Culture y annonce un bon vent d’air frais.
Idem pour le passage de François Bonnardel des Transports à la Sécurité publique et pour celui, dans le sens inverse, de Geneviève Guilbault.
Côté changement, après un premier mandat happé par la pandémie, on sent aussi l’amorce d’un virage plus apaisant sur le front délicat de ses politiques identitaires. Populaires chez les francophones, elles le sont pas mal moins au sein des communautés minoritaires.
Rebâtir les ponts
De toute évidence, certaines déclarations blessantes pour celles-ci prononcées durant la campagne par M. Legault et son ex-ministre de l’Immigration lui commandent de rebâtir les ponts.
Disant toujours son gouvernement « nationaliste » et préoccupé par ce qu’il appelle la « cohésion nationale », M. Legault a toutefois pris la peine hier d’appeler à plus de « modération » et d’« écoute ».
Il retire donc la responsabilité de la langue française et de la laïcité à Simon Jolin-Barrette. À son puissant ministre des Finances, il ajoute les Relations avec les citoyens de langue anglaise.
Il confie la Lutte contre le racisme à Christopher Skeete de la communauté anglo-québécoise. Nommée à l’Immigration, la nouvelle élue Christine Fréchette est connue pour s’être opposée à la charte péquiste des valeurs.
M. Legault conserve également Ian Lafrenière aux Affaires autochtones et nomme Kateri Champagne Jourdain à l’Emploi, première femme autochtone élue à l’Assemblée nationale.
Héritage politique
Côté changement, nouvellement élue, Martine Biron est nommée aux Relations internationales. Ex-journaliste respectée et communicatrice émérite, elle a tous les talents pour renforcer la présence du Québec à l’étranger.
Cela dit, au-delà de l’importance indéniable d’une récession possible, d’une crise du logement inquiétante et d’une lutte incertaine aux changements climatiques, les défis les plus lourds demeurent les mêmes.
Dans la société la plus vieillissante du continent, comment redresser un système de santé dysfonctionnel et déshumanisé ? En passant de ministre délégué à ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant aura lui aussi amplement de pain sur la planche.
Et comment renforcer un réseau d’éducation public-privé de plus en plus inégalitaire ? Comme nouveau ministre de l’Éducation, Bernard Drainville ne pourra pas se contenter du statu quo.
Tout est important, c’est sûr. Pour François Legault, c’est cependant dans ces deux mégas dossiers, vitaux pour les Québécois, des plus jeunes aux plus vieux, que son héritage politique réel se dessinera ou non.