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Menace nucléaire russe: les Ukrainiens gardent le moral

Menace nucléaire russe: les Ukrainiens gardent le moral


Les référendums bidon pour annexer des territoires et les menaces de recours à l’arme atomique du dictateur Poutine ne semblent pas affecter le moral des Ukrainiens qui discutent de ces graves sujets avec un étonnant sang-froid, tout en se préparant au pire. 

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Poutine doit annoncer aujourd’hui l’annexion de régions ukrainiennes actuellement occupées à la suite de référendums dénoncés en Occident.

Cela fait craindre qu’il considère comme une attaque de la Russie toute tentative de l’Ukraine de reprendre ses territoires.

«Les référendums russes ne sont pas nouveaux. Mais cette fois, c’est différent», avance Mariia Shuvalova, de Kyïv.

«Nous nous inquiétons pour nos proches dans les territoires occupés. Ils ne voulaient pas se faire tuer pour avoir exprimé de ne pas vouloir faire partie de la Russie. Ils ne veulent pas de passeports russes. Du moment que vous l’acceptez, vous pouvez être mobilisé. La meilleure façon d’éviter des problèmes était de ne pas voter. Ça me fâche quand je lis dans des articles que 99% des gens ont voté pour l’annexion avec la Russie. Ils sont menacés par des armes. Ils n’ont pas le choix», explique-t-elle.

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Irina, nom fictif pour protéger son identité, vit à Lviv, près de la frontière polonaise. Elle a de la famille dans une petite ville de l’est sous contrôle russe.

«Que pouvez-vous faire quand des soldats de l’envahisseur observent la case que vous allez cocher? Oui il y a des gens dans cette population qui souhaiteraient l’annexion avec la Russie. Mais un vrai référendum n’aurait jamais passé. Sinon, pourquoi la Russie a-t-elle envahi cette région en 2014?», questionne-t-elle.

 Coupés du monde

«C’est un défi de communiquer avec nos proches dans les secteurs occupés, ajoute Mme Shuvalova. Ils n’ont plus accès à internet. Les gens tentent de continuer à travailler, mais ils doivent aussi se cacher [des forces russes]. Ils sont sous une menace constante et c’est difficile de ne pas pouvoir les aider.»

Elle souligne que les fournisseurs d’internet ukrainiens sont bloqués dans les territoires occupés. Pour avoir le service d’un fournisseur russe, il faut avoir un passeport russe. Mais il existe un réseau internet parallèle qui change régulièrement de place pour continuer à opérer.

Irina précise que dans les territoires occupés le climat est lourd. Les membres de sa famille évitent de parler ukrainien pour ne pas attirer l’attention. Craignent-ils que Poutine mette sa menace nucléaire à exécution?

«Oui, mais pas pour eux. Ce sont les grandes villes qui seront attaquées. Ils ont davantage peur pour moi. Ça peut arriver demain, la semaine prochaine, on ne sait pas. On en parle sans beaucoup d’émotion», affirme-t-elle, fataliste.

Nolan Peterson, journaliste américain basé en Ukraine depuis 2014, a constaté après les menaces de Poutine, un grand accroissement de messages d’amis et de contacts ukrainiens sur les réseaux sociaux.

Dans un tweet mardi, il écrit que ces messages indiquent «ce qu’il faut faire en cas d’attaque nucléaire. Les gens sont calmes, mais évoquent sérieusement cette possibilité. Cela ressemble étrangement à la situation d’avant le 24 février quand des amis discutaient de ce qu’il fallait faire en cas d’invasion à grande échelle.»

Se tenir prêt au pire

«Je ne peux pas dire que nous sommes effrayés», convient Mariia Shuvalova.

«Nous avons une réserve d’essence, des bagages déjà prêts et du matériel en cas d’attaque chimique. Nous avons aussi des instructions en cas d’attaque nucléaire. Se préparer à un retour des forces russes à Kyïv est devenue une tâche régulière comme faire le ménage ou laver la voiture. Malgré tous ces mois de guerre, nous faisons tout pour aider les gens autour de nous et aider l’économie.»

La jeune femme qui est chargée de cours dans une université de Kyïv concède que dans la capitale, les gens ont moins l’occasion de socialiser comme avant.

«Nous sommes tous très occupés. Tout le monde après le travail fait beaucoup de bénévolat. Mais, en général, la vie continue et tout fonctionne. Je suis fascinée de la façon dont nos services fonctionnent. Tout est constamment réparé.»

L’épouvantail russe

Après la surprise de l’attaque du 24 février, les Ukrainiens ont reconnu le modus operandi russe.

«Rapidement après le début de la guerre nous nous sommes aperçus que les Russes voulaient nous effrayer et nous pousser vers des négociations pour arriver à une entente que nous ne voulions pas. Les Russes ont un long historique de menaces avec les autres. Ils veulent faire croire qu’ils sont puissants et dangereux pour prévenir la résistance. Les Ukrainiens sont sous l’oppression des Russes depuis trois siècles. L’histoire de l’Ukraine en est une de longue résistance, alors nous sommes prêts à résister longtemps!», promet Mme Shuvalova.

La mobilisation décrétée par Poutine n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour l’Ukraine.

«Poutine peut mobiliser 300 000 ou un millions de soldats, cela signifie que nous devrons travailler encore davantage, se protéger et faire tout ce qu’on peut faire», estime Mme Shuvalova.

Des Russes moins braves

Mais cette mobilisation semble aussi avoir un effet néfaste en Russie. Les médias occidentaux ont rapporté les fuites à l’étranger des appelés et d’autres manœuvres pour échapper à la conscription. Mme Shuvalova sent aussi le malaise dans la population en général.

«Au début de la guerre, nous contactions nos membres de nos familles et nos amis en Russie en espérant qu’il y aurait une réaction de la population pour mettre fin à l’attaque. On me répondait de manière très décontracter en jouant les braves que nous le méritions ou qu’il n’y avait rien à faire. Ils pensaient que l’Ukraine n’existerait plus dans quelques jours. La mobilisation nous a donné l’occasion de les recontacter. Ça ne joue plus aux braves. Ça a été plaisant de constater que leur arrogance a disparu et de ne plus entendre qu’on a plus le droit d’exister. C’est un changement majeur!», raille-t-elle.

«Mais même si les soldats mobilisés ne seront pas motivés, poursuit Mme Shuvalova, il faudra tout de même les affronter. Il ne faut pas avoir beaucoup de respect pour soi-même d’accepter d’aller tuer d’autres personnes.»

Arnaud Dubin, directeur de l’Observatoire franco-russe et installé à Moscou, sent aussi une tension depuis la mobilisation.

Mercredi, il a twitté «des interlocuteurs réguliers, représentatifs de cette classe urbaine et européanisée [en Russie], commencent à nous reprocher en privé – mais de façon virulente – les livraisons d’armes à l’Ukraine.»

Collaboration

Comme sous l’occupation allemande en France durant la Deuxième Guerre mondiale, se montrer favorable à l’occupant et collaborer avec lui amène des bénéfices pour certaines personnes dans les territoires sous contrôle russe.

«On m’a raconté qu’une concierge dans une école en est devenue la directrice. Une personne qui réparait des voitures a maintenant un poste administratif dans une ville. Ils utilisent des gens avec peu d’éducation, des alcooliques, des gens sans famille et leur donnent des postes importants. Ces personnes se sentent redevables envers eux. Mais ça démontre aussi qu’ils ne peuvent convaincre des gens intelligents et compétents de travailler avec eux. Ils doivent se contenter de marginaux», dénonce-t-elle.

Payant pour les mercenaires

La résistante ukrainienne n’est pas tendre envers les soldats russes dans les territoires occupés.

«Les cas de fausses accusations pour extorquer de l’argent se multiplient. Ils volent des biens, des produits alimentaires à des fermiers et les revendent à gros prix en Russie. Ils sont ici pour faire de l’argent. Ils n’ont pas ces opportunités en Russie. Ils sont très contents d’être ici et n’ont pas ce confort chez eux. Ils sont dégoûtants. Mais ils ne seront pas très heureux de voir arriver des renforts», pense-t-elle.

La guerre de l’argent

Mariia Shuvalova continue à trouver des façons de récolter des fonds pour l’effort de guerre. Au-delà de cette mission, elle cherche aussi à faire comprendre la menace qu’elle estime que la Russie fait peser sur le monde.

«Dans les quatre premiers mois de la guerre quand je ramassais de l’argent c’était pour des besoins de base, pour de la nourriture et pour les nouveaux volontaires de l’armée», explique-t-elle.

Maintenant, l’argent sert à acheter des vêtements pour l’hiver, des garrots, de l’équipement de vision thermique et nocturne, des véhicules, «beaucoup de drones» d’observation et des pièces pour les tanks russes récupérés.

«Mais le plus important est de parler avec des gens à travers le monde pour leur montrer le danger que représente actuellement la Russie. Les Georgiens et les Syriens l’ont aussi vécu», rappelle-t-elle au sujet de deux autres des nombreux conflits récemment menés par la Russie.

Le futur

Ceux qui espèrent une fin rapide à ce conflit meurtrier ne seront pas rassurés par les propos de Mariia Shuvalova

«Pour moi la victoire c’est de se sentir en sécurité en Ukraine, de repousser tous les soldats russes de notre territoire. Mais nous allons continuer à partager une frontière avec la Russie, qui n’est pas démocratique et a de grandes ambitions impériales. Nous pouvons gagner cette guerre et demeurer en danger. Nous nous préparons à une résistance extra longue jusqu’à ce qu’il devienne sécuritaire d’être Ukrainien. Nous sommes en Europe au 21e siècle. Comment est-ce possible de ne pas pouvoir vivre en sécurité en Ukraine? On doit arrêter cette culture impériale», conclut la résistante.



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