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Talent, coup de chance ou magie noire ? En 1992, les Eléphants de Côte d’Ivoire remportent leur première Coupe d’Afrique des nations (CAN) au Sénégal face au Ghana après une interminable séance de tirs au but (11-10). Des membres de la fédération ivoirienne de football et René Diby, le ministre ivoirien des sports de l’époque, révéleront plus tard que la sélection avait recouru à des féticheurs, qualifiés par le ministre de « préparateurs psychologiques », originaires du village d’Akradio, à une heure d’Abidjan. La dizaine d’hommes en question aurait prédit la victoire des Ivoiriens ainsi que d’autres faits de jeu tout au long de la compétition.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Ces fameux féticheurs, tous originaires de la même province que le ministre des sports, se seraient ensuite fâchés : M. Diby n’aurait pas répondu à leurs requêtes, notamment financières. Un mécontentement qui aurait valu à l’équipe nationale d’échouer lors des CAN suivantes.
« En 2014, le Français Hervé Renard a été nommé sélectionneur des Eléphants et il m’a confié qu’une des premières décisions qu’il avait prise avait été de rencontrer ces féticheurs pour calmer le jeu », raconte Christophe Gleizes, journaliste sportif, auteur avec Barthélémy Gaillard de Magique Système (publié aux éditions Marabout !), une enquête sur l’esclavage moderne des footballeurs africains. Quelques mois plus tard, les Ivoiriens remportent leur seconde CAN. Là encore aux tirs au but. Là encore face au Ghana.
Sportifs ou supporteurs, de nombreux Ouest-Africains et Centre-Africains croient en effet que certains marabouts ont le pouvoir de propulser ou briser des carrières footballistiques. En témoigne la récente affaire de l’international français Paul Pogba : le milieu de terrain originaire de Guinée a été accusé en août par son frère Mathias d’avoir jeté un sort à l’attaquant Kylian Mbappé lors d’un match PSG-Manchester United en 2019, avec l’aide du marabout de Serge Aurier, le capitaine de la sélection ivoirienne – ce que ce dernier dément.
Une figure désormais ambiguë
Le phénomène n’est pas circonscrit au monde du sport. « En Afrique de l’Ouest, tout le monde, officiellement ou officieusement, a recours au marabout, c’est un trait culturel qui s’est perpétué malgré la modernisation. Dans la plupart des familles, il est rare que des décisions importantes soient prises sans le consulter », pointe Sékou Traoré, docteur en histoire contemporaine, spécialiste de ces pratiques de Côte d’Ivoire.
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