Il est temps de cesser notre guerre « contre la nature », a martelé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, mardi 7 décembre, à Montréal, lors de l’ouverture de la COP15 sur la biodiversité. Prenant des accents dramatiques, celui qui a fait de la protection de la planète, et particulièrement de la lutte contre le changement climatique, son cheval de bataille a fustigé l’« arme d’extinction massive » qu’est devenue l’humanité. « Avec notre appétit sans limite pour une croissance économique incontrôlée et inégale, l’humanité est devenue une arme d’extinction massive », s’est-il alarmé.
Il s’exprimait dans la foulée du premier ministre canadien, Justin Trudeau, dont l’intervention a été interrompue par les tambourins d’une dizaine de représentants d’un peuple autochtone local. « Génocide des autochtones = écocide », « Pour sauver la biodiversité, arrêter d’envahir nos terres », proclamait leur banderole, brandie quelques minutes sous les applaudissements d’une partie de la salle, avant qu’ils ne soient escortés, dans le calme, vers la sortie.
Les défis que la COP15 doit relever sont considérables : un million d’espèces sont menacées d’extinction, un tiers des terres sont gravement dégradées et les sols fertiles disparaissent, tandis que la pollution et le changement climatique accélèrent la dégradation des océans.
Plus de 190 pays se réunissent du 7 au 19 décembre pour tenter de sceller un pacte décennal pour la nature et éviter ainsi une sixième extinction de masse.
« Cacophonie du chaos »
« Aujourd’hui nous ne sommes pas en harmonie avec la nature, au contraire nous jouons une mélodie bien différente », une « cacophonie du chaos jouée avec des instruments de destructions », a résumé le secrétaire général de l’ONU. « Et en fin de compte, nous nous suicidons par procuration », a-t-il ajouté, avec des répercussions sur l’emploi, la faim, la maladie et la mort.
Si le constat scientifique est peu discuté, les points de friction restent nombreux entre les membres de la Convention pour la diversité biologique (CDB) de l’ONU (195 Etats et l’Union européenne, mais sans les Etats-Unis). L’issue des négociations, portant sur une vingtaine d’objectifs destinés à sauvegarder les écosystèmes d’ici 2030, reste incertaine.
« Pour que l’accord de Paris réussisse, la biodiversité doit également réussir. Pour que le climat réussisse, la nature doit réussir, et c’est pourquoi nous devons les traiter ensemble », a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) Elizabeth Maruma Mrema, la cheffe de la CDB, il y a quelques jours.
Parmi la vingtaine d’objectifs en discussions, l’ambition phare, surnommée « 30×30 », vise à placer au moins 30 % des terres et des mers du globe sous une protection juridique minimale d’ici à 2030. Contre respectivement 17 % et 10 % dans l’accord précédent de 2010.
La question du financement, point de blocage
Il sera aussi question des subventions néfastes à la pêche et à l’agriculture, de la lutte contre les espèces invasives et de la réduction des pesticides. Mais la question du financement de ces mesures pourrait être, une fois encore, un point de blocage. Des pays en développement demandent la création d’un fonds, comme celui décidé pour le climat, sans que cela leur ait été pour l’instant accordé.
Le manque de leadership politique pourrait aussi se faire sentir. En dehors du premier ministre canadien, aucun chef d’État ou de gouvernement n’est attendu à Montréal, alors qu’ils étaient plus de 110 en Egypte en novembre pour la COP27, conférence de l’ONU sur le climat.