Après le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, marqué par des réformes du marché du travail, une réduction des prestations chômage, puis l’abandon d’une première réforme des retraites, l’agenda social du second mandat se précise. Il comprend quatre réformes principales : une nouvelle diminution de l’assurance chômage (en minorant les droits en fonction de la conjoncture), un raccourcissement de la retraite (en jouant sur l’âge ou la durée de cotisation), la mise sous condition d’activité du RSA (éventuellement fusionné avec les autres minima sociaux) et la réforme du service public de l’emploi, rebaptisé France travail (chargé d’accompagner, de contrôler et de sanctionner les personnes en recherche d’emploi).
Ensemble, ces quatre réformes dessinent une étape supplémentaire de la transformation du modèle français de protection sociale ; il s’agit d’organiser d’une part sa réduction, d’autre part de tourner le dos à sa philosophie d’origine (issue notamment du Conseil national de la Résistance), pour en produire une version plus compatible avec les attentes du marché.
Il s’agit d’abord d’une diminution de la part socialisée des dépenses de protection dans l’économie. Le gouvernement n’en fait pas mystère, il ne vise plus simplement à maîtriser la hausse des dépenses sociales, mais à les réduire structurellement et pour la première fois depuis 1945. Cela se traduit déjà par une diminution inédite de la part des chômeurs indemnisés par l’assurance chômage, part que la nouvelle réforme réduirait encore. Côté retraites, le trait est net également : la réforme envisagée ramènerait la durée moyenne de la retraite des personnes nées dans les années 1970 à celle qu’ont connue leurs grands-parents nés dans les années 1930, c’est-à-dire près de trois ans de moins que la génération de leurs parents nés autour de 1950.
Régulation marchande
Au-delà de cette réduction structurelle des dépenses, les réformes envisagées visent également à réorienter la protection sociale française dans le sens de la régulation marchande de l’économie. En effet, le système français, avec ses forces et ses limites, s’est construit autour du salariat, dont les assurances sociales restent une institution centrale, qui assure aux personnes salariées, au-delà de la seule rémunération, la protection juridique (le droit du travail) et des droits sociaux assurantiels propres. L’économiste Karl Polanyi (1886-1964) a bien montré qu’à travers cette protection, qu’il fut le premier, en 1944, à qualifier de « protection sociale », la société visait à se protéger contre les chocs propres au fonctionnement du marché.
Il vous reste 56.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.