Dans une actualité économique et sociale agitée, la France semblait être le bon élève de l’Europe. Mais en quelques jours, des grèves dans les grandes entreprises du secteur pétrolier ont fait voler en éclats ce sentiment de quiétude relative, le pays connaissant une vague ample et rapide de stations d’essence « à sec » avec des conséquences néfastes pour les usagers concernés.
La France est encore loin du compte, mais il devrait être cependant possible d’avancer positivement dans le sens d’un meilleur dialogue entre les partenaires sociaux, grâce à des initiatives concrètes. La proposition que nous présentons ici concerne le domaine de la finance et sa dimension sociétale : le rachat par une entreprise cotée de ses propres actions, puis de l’annulation de ces actions rachetées.
Cette opération a pour conséquence d’augmenter mathématiquement le taux de rentabilité financière (résultat net sur capitaux propres) puisque pour un résultat comparable, le nombre total d’actions diminue : on parle d’effet « relutif ». L’augmentation de ce fameux return on equity (« rentabilité des capitaux propres »), que certains fonds d’investissement souhaitent situer à 15 %, est de nature à booster le cours boursier de l’action concernée, pour le plus grand bonheur tant des actionnaires que des dirigeants dont les rémunérations dites variables sont le plus souvent liées à l’évolution de ces performances financières.
Des opérations exceptionnelles devenues fréquentes
Nous sommes là dans un domaine qui appelle une attention particulière, car la frontière entre le « signal » aux opérateurs de marché et la manipulation des cours est poreuse. Ces opérations qui devraient être exceptionnelles, non seulement sont devenues très fréquentes, mais ont pris, ces dernières années, des proportions gigantesques, notamment aux Etats-Unis où elles représentent chaque année plusieurs centaines de milliards dollars.
Sachant que ces opérations de rachat d’actions propres sont rendues possibles par l’utilisation de la trésorerie accumulée au sein de l’entreprise, elles constituent dans ce contexte des distributions de valeur aux actionnaires, qui se révèlent même supérieures à celles, classiques, des dividendes. Elles incarnent la financiarisation de l’économie qui s’est accélérée.
En Europe, et plus particulièrement en France, la vague des rachats d’actions a été jusqu’à présent beaucoup moins forte, mais est cependant significative. Le groupe TotalEnergies en constitue un exemple : la direction du groupe s’est ainsi assigné le 28 avril comme une de ses priorités, d’« allouer une part du surplus de cash-flow tiré des prix des hydrocarbures élevés à des rachats d’actions propres ». Ce groupe a effectué 3 milliards d’euros de rachats d’actions au premier semestre et en envisage un total de 7 milliards pour 2022.
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