Il n’y a pas si longtemps, on raillait encore leurs noms – Great Wall, autrement dit « Grande Muraille », BYD pour « Build Your Dreams » (« construisez vos rêves ») ou MG, passé un temps du Morris Garages originel (et britannique) à « Modern Gentleman » – et leur propension à plagier le style des modèles étrangers à succès. Les marques chinoises ne font désormais plus sourire.
Après une interruption forcée de quatre ans pour cause de crise sanitaire, l’édition 2022 du Mondial de l’automobile de Paris qui, pour le public, se tiendra du 18 au 23 octobre, coïncide avec les premières tentatives d’envergure engagées par ces constructeurs en vue de prendre pied sur le marché européen.
L’industrie automobile chinoise ne fait plus mystère de ses ambitions planétaires. Depuis deux ans, elle domine déjà l’immense marché chinois (26 millions d’immatriculations en 2021), le plus important au monde et l’un des seuls à avoir progressé cette année. Les firmes étrangères qui y prospéraient par le biais de co-entreprises abandonnent des parts de marché aux marques nationales. Celles-ci comptent pousser leur avantage en allant défier les Européens sur leur propre terrain. L’Asie du Sud-Est, chasse gardée des Japonais, est aussi en ligne de mire, avant de mettre le cap sur les Etats-Unis.
Fenêtre de tir idéale
Les constructeurs chinois le savent : le moment est idéal. La conversion de l’Europe au tout-électrique, engagée à contre-cœur par les marques historiques, ressemble à une aubaine. En plaçant tous les acteurs sur un pied d’égalité, l’électrification a permis d’abolir l’infériorité technologique rédhibitoire que leur imposait le règne du moteur thermique. La hiérarchie mondiale des marques automobiles, gravée dans le marbre depuis des décennies, vacille.
Depuis dix ans, Pékin a organisé et soutenu cette transition à grand renfort de quotas et de subventions, encourageant Great Wall Motors, Geely, BYD, SAIC (propriétaire de MG, entre autres), Xpeng, FAW, Chang’an, Brilliance, Dongfeng ou GAC à creuser leur sillon. Tous ne survivront pas, mais le résultat est là : il se vend en Chine deux fois plus de modèles 100 % électriques qu’aux Etats-Unis, au Japon et en Europe réunis. Et cette mise en ordre de bataille n’oublie pas les infrastructures : en Chine, on compte une borne de recharge publique pour trois véhicules électriques ou hybrides-rechargeables, alors que l’Europe court derrière l’objectif de une pour huit.
Aidés, entre autres, par l’expérience accumulée grâce aux co-entreprises créées avec les marques étrangères, les groupes chinois ont acquis une expertise technologique que personne ne songe à contester. A cela s’ajoute la capacité à tirer les coûts de production vers le bas en valorisant les économies d’échelle qu’autorise l’ampleur de leur marché domestique. « Généraliser la voiture électrique, c’est dérouler le tapis rouge double épaisseur sous les roues des marques venues de Pékin, de Shanghaï ou de Wuhan », peste un représentant du groupe Stellantis, propriétaire des marques Peugeot, Fiat, Chrysler et Citroën.
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