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La guerre n’est pas qu’une question de nombre d’obus disponibles, de troupes ou de milliards d’euros mobilisés. C’est aussi un art. Celui de la stratégie, de la réflexion, de l’intelligence situationnelle. Si les officiers russes ont longtemps eu recours au jeu d’échec, les Américains ont développé une culture aigüe du « wargame ». Les Français, eux, veulent rattraper leur retard.
L’école de guerre de l’armée de Terre a organisé pour la première fois mercredi aux invalides à Paris un tournoi interalliés de « wargame ». Les futurs chefs militaires américains, belges, allemands, britanniques, italiens et bien sûr français se sont affrontés sur des plateaux de jeu. À coups de dés et de pions.
Face aux Allemands, la partie a été serrée. Mais avec une prise de risque maîtrisée, l’artillerie française a pu percer la cavalerie allemande. Le jeu de guerre permet cela à moindres frais. Car les morts et le matériel détruit sont virtuels. Mais la stratégie et la pensée militaire s’y construisent. « La guerre est avant tout un affrontement de volontés, d’intelligences. Elle a évidemment une part scientifique. Mais aussi une part artistique, tactique, le coup d’œil… Et c’est exactement ce qu’on cherche à développer », explique le colonel Sébastien Chènebeau, directeur de l’école de guerre-terre.
Repérer les angles morts, les faiblesses
Le wargame permet aux états-majors de tester virtuellement des manœuvres. Les Américains s’en sont d’ailleurs servi lors d’opérations extérieures récentes. En recréant virtuellement une manœuvre, et en la confrontant à un adversaire, les chefs repèrent plus facilement les angles morts, les failles, les faiblesses de leur dispositif.
Mais cette culture du « wargame » a longtemps été délaissée par les armées françaises. « Dans les années qui ont suivi la défaite de 1870, l’armée française s’est un peu intéressée aux jeux de guerre. On a par exemple traduit des jeux de guerre allemands. Mais finalement, ça n’a pas pris car on n’a pas réussi à les intégrer vraiment dans la formation. C’était plutôt quelque chose qui était utilisé plutôt au cercle des officiers, le soir », poursuit le commandant de réserve Antoine Bourguilleau, auteur du livre « Jouer la guerre ».
L’armée de Terre française y revient donc aujourd’hui. Ses futurs grands chefs passeront cette année une quarantaine d’heures sur ce type de plateau de jeu.