Le Parlement européen a refusé mardi de valider les comptes 2020 de l’agence de surveillance des frontières Frontex, en signe de désaveu de cette organisation, accusée d’avoir dissimulé des refoulements de migrants en mer Egée. Après avoir reporté leur décision en mai, les eurodéputés ont décidé, à l’issue d’un vote serré à Strasbourg, de ne pas octroyer la décharge du budget de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes pour 2020.
La décharge budgétaire est une procédure par laquelle le Parlement européen clôture un exercice budgétaire et contrôle la dépense de fonds publics. Ce vote n’a pas de conséquences sur l’activité de l’agence, mais est une manière pour le Parlement européen de manifester son désaccord avec l’activité passée de Frontex.
« Signal clair »
L’agence a été mise en cause dès 2020, dans plusieurs enquêtes journalistiques et dans un rapport de l’Office européen de la lutte contre la fraude (Olaf), pour son rôle dans des renvois illégaux de migrants par les garde-côtes grecs. « Cela ne change pas le passé, mais cela envoie un signal clair en faveur d’action et de changements », a résumé l’eurodéputé écologiste belge Philippe Lamberts, réclamant à la Commission européenne « une action déterminée pour mettre un terme définitif à ces traitements inhumains » de migrants.
Le patron contesté de l’agence, le Français Fabrice Leggeri, a démissionné fin avril, à la suite de l’enquête de l’Olaf qui le visait particulièrement ainsi que deux autres membres du conseil exécutif. Ce rapport confidentiel, qui vient d’être dévoilé en totalité mais anonymisé par le magazine allemand Der Spiegel en collaboration avec des sites internet d’investigation, relève des « fautes graves et autres irrégularités » de la direction de Frontex de l’époque.
« Assumer ses responsabilités »
Il lui reproche d’avoir « participé ou couvert des refoulements » de migrants dans les eaux grecques, mais aussi une mauvaise gestion, avec des situations de conflits d’intérêts et des cas de harcèlement. « Ce sont des pratiques du passé », avait réagi Frontex vendredi dans un communiqué. « J’ai conscience que la lecture du rapport (de l’Olaf) aura choqué nombre d’entre vous, comme il m’a choquée, mais je suis convaincue que le conseil d’administration de Frontex a assumé pleinement ses responsabilités et de manière très efficace », a assuré aux eurodéputés la commissaire aux Affaires intérieures Ylva Johansson, espérant la nomination d’un nouveau directeur de Frontex d’ici à la fin de l’année.
Frontex, dont le mandat a été renforcé en 2019, est l’agence de l’UE dotée du plus gros budget. Il n’a cessé d’augmenter ces dernières années, s’élevant en 2020 à environ 360 millions d’euros et à plus de 750 millions d’euros en 2022. Les eurodéputés ont également refusé de valider les comptes du Conseil de l’UE, comme ils le font depuis plus de dix ans pour stigmatiser le manque de coopération de cette institution.