Le New York Times émet l’hypothèse selon laquelle la rivalité entre la Russie et l’Occident en Afrique pourrait se concentrer dans le large désert du Tchad, « alimentée par les armes à feu, l’or et les médias sociaux ». Selon le quotidien américain, la Russie apporte un soutien actif aux membres de l’élite dirigeante tchadienne, y compris des ministres et même un demi-frère du président. En outre, les États-Unis ont averti récemment le président tchadien que des mercenaires russes complotaient pour le tuer ainsi que trois hauts responsables. Enfin, Washington affirme que la Russie soutient des rebelles tchadiens réfugiés en République centrafricaine voisine.
Le Wall Street Journal avait déjà indiqué, fin février, que les autorités américaines avaient informé leurs homologues tchadiens que la société paramilitaire russe, Wagner, travaillait avec les rebelles tchadiens pour déstabiliser le gouvernement et éventuellement tuer le président du pays, une information qui aurait été corroborée par des responsables de la sécurité européenne.
Le Tchad partage de longues frontières poreuses avec la Libye au nord, la République centrafricaine au sud et le Soudan à l’est, trois pays où Wagner est déjà très actif, ce qui le rendrait susceptible d’être déstabilisé par la militarisation russe.
Cependant, selon des sources diplomatiques, la réalité est que les Russes ont une présence relativement limitée dans le pays, mais ils cherchent à creuser un fossé entre les États-Unis et la France. Les Français ont longtemps été le principal soutien de l’armée tchadienne, mais leur influence a décliné en faveur des États-Unis ces dernières années. Cette évolution a coïncidé avec la mort du président tchadien, Idriss Déby, en avril 2021, qui a conduit à une transition politique tendue et une reconfiguration de la géopolitique régionale.
Malgré tout cela, l’analyse du New York Times souligne que la rivalité russo-occidentale s’intensifie en Afrique, un continent où la Chine fait également des investissements considérables. Cependant, il n’est pas certain que cela conduise à une nouvelle guerre froide, car les facteurs du conflit ont changé.
D’une part, les Russes cherchent à renforcer leur influence économique, diplomatique et militaire, et d’autre part, les Occidentaux poursuivent leur objectif de maintenir leur primauté technologique dans la région, en particulier dans le domaine de la cybersécurité. Toutefois, les paramètres de la rivalité ont changé depuis la guerre froide, et l’opposition idéologique ne joue plus un rôle aussi important qu’auparavant.
Dans ce contexte, le Tchad pourrait bien devenir le théâtre d’une nouvelle confrontation russo-occidentale, mais cela ne serait qu’un élément d’une rivalité plus large pour le contrôle de l’Afrique et ses ressources naturelles.