Ancien gardien de but emblématique de l’Olympique de Marseille, des Girondins de Bordeaux et de Saint-Etienne, Joseph-Antoine Bell a par ailleurs été sélectionné à 70 reprises au sein de la sélection camerounaise des Lions indomptables (1976-1994). A 68 ans, il livre son analyse du football africain et plaide pour la conception d’un modèle unique continental.
On parle plus facilement de football « africain » que de football « européen ». Or il n’existe bien entendu pas qu’un seul football africain. Cette généralisation vous agace-t-elle ?
On utilise aussi la généralité « football européen » sans que personne ne s’énerve. On sait que les Allemands sont des Allemands, les Anglais des Anglais, etc. Même si les défenseurs de l’Afrique ont tendance à s’énerver trop facilement à propos de cette question, il est aussi vrai que quand les Européens disent « Africains », ce n’est pas toujours dans le même sens que quand ils disent « Européens ». Je me souviens que, dans ma jeunesse, un journaliste français me parlait de mon « compatriote sénégalais ». Il n’y aurait donc que les Africains qui constitueraient un continent et qui seraient frères entre eux ?
Passé cette généralité, il faut bien regarder chaque équipe, qui ne représente qu’elle-même. Il existe une sorte de logique du plus faible. A partir du moment où les Africains ne gagnent pas la Coupe du monde, si le Cameroun se hisse en quarts de finale, c’est tout le continent qui va le célébrer.
Comment expliquez-vous qu’aucune équipe africaine n’ait jamais franchi le cap des quarts de finale ?
Nous, les Africains, avons parfois tendance au nombrilisme, dans le sens où l’on oublie qu’en Asie ou en Amérique du Nord, les gens jouent aussi au football. Nous sommes convaincus d’être seuls, avec l’Europe où vont jouer nos joueurs. Le Cameroun, par exemple, est resté bloqué sur son quart de finale [lors du Mondial 1990]. Oui, on a été les premiers du football africain à aller en quarts, mais depuis on est sorti cinq fois au premier tour. D’autres ont fait mieux : la Corée du Sud a été en demi-finale. On doit tout dépoussiérer pour aller plus loin.
Notre jugement sur nos sélections est aussi altéré par la Coupe d’Afrique des nations (CAN). En Afrique, la compétition qui suit la Coupe du monde, c’est la CAN. C’est comme si vous aviez une course de haies et ensuite une course de plat. Vous vous dites : « Je me suis amélioré. » Mais c’est parce que vous jouez contre des équipes moins fortes… En Europe, après le Mondial, même si vous pouvez affronter une équipe faible, comme le Luxembourg, vous pouvez aussi vous mesurer à de grandes affiches contre des équipes qui figurent dans le top 10 ou top 20 mondial.
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