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Trois défaites. Deux nuls. Six buts encaissés et seulement deux inscrits. Le bilan des cinq nations africaines n’a guère été flamboyant, lors de la première journée du Mondial au Qatar. Au-delà des chiffres, un poste s’est toutefois démarqué depuis le début du tournoi, celui des gardiens. Face à la Croatie, le Marocain Yassine Bounou a repoussé, à plusieurs reprises, des frappes adverses. Ses arrêts ont permis aux Lions de l’Atlas d’arracher un 0-0 face au vice-champion du monde. Le Tunisien Aymen Dahmen a lui aussi sauvé les Aigles de Carthage en déviant les missiles danois et préservé ainsi le match nul (0-0).
Contre la Suisse, le Camerounais André Onana a empêché les Lions indomptables de concéder plus de buts (score final 1-0). Lawrence Ati-Zigi, le portier du Ghana, n’a, quant à lui, pas pu faire grand-chose face aux vagues portugaises (3-2) ; mais il a quand même contré des tentatives de Cristiano Ronaldo et ce n’est pas rien. Enfin, seul Edouard Mendy, le gardien du Sénégal, n’a pas brillé : en manque de confiance, il a semblé perdu dans ses sorties peu rassurantes face aux Pays-Bas (0-2). Il s’est rattrapé vendredi 25 novembre en arrêtant du bout des doigts une volée qatarienne (1-3), lors de la deuxième journée du tournoi.
Globalement, les gardiens africains ont fait une bonne impression. Et ce n’est pas un hasard : la plupart jouent dans de grands clubs européens. Yassine Bounou, qui défend les cages du FC Séville, a été désigné meilleur gardien de but la saison dernière en Liga, le championnat espagnol, grâce à un ratio de 0,77 but concédé par match (24 buts encaissés en 31 matchs joués). Une performance à souligner puisque le Belge du Real Madrid Thibaut Courtois a remporté le Trophée Yachine 2022, récompensant le meilleur gardien au monde.
André Onana, qui porte le maillot de l’Inter Milan, a été formé au FC Barcelone avant de commencer sa carrière professionnelle à l’Ajax Amsterdam. Le Sénégalais Edouard Mendy est à Chelsea et a été élu meilleur gardien de l’année 2021 par la Fédération internationale de football (FIFA). Lawrence Ati-Zigi garde les cages de l’équipe suisse (Saint-Gall). Seul Aymen Dahmen évolue sur le continent africain, dans le club de sa ville natale à Sfax.
Il y a quelques décennies, les spécialistes de ce poste venant d’Afrique étaient très peu nombreux à fouler les pelouses du Vieux Continent. « A cette époque, les clubs européens n’avaient aucune réticence pour recruter un attaquant noir ; mais pour un gardien, c’était différent, rappelle Joseph-Antoine Bell, recruté par Marseille en 1985. On le considérait comme nonchalant, manquant de sérieux, de concentration. On pensait qu’il avait trop de défauts pour occuper un poste aussi important. Bref, on ne pouvait pas lui faire confiance. Comme je me suis imposé dans tous les clubs où j’ai joué [Marseille, Toulon, Bordeaux, Saint-Etienne], je pense que cela a permis aux mentalités de changer. »
Pour changer de focale, il a fallu aussi donner de la valeur à ce poste alors que beaucoup de jeunes Africains souhaiteraient devenir les prochains Samuel Eto’o, Didier Drogba, Mohamed Salah ou Sadio Mané. « Depuis quelques années, la formation des gardiens en Afrique s’est améliorée, constate le Français Michel Dussuyer, ancien gardien de but et qui a été sélectionneur de la Guinée, de la Côte d’Ivoire et du Bénin. Sur ce continent, il y a de bons centres de formation, notamment au Sénégal, au Ghana, en Côte d’Ivoire. Et des académies de qualité où un travail spécifique est effectué. »
« Aujourd’hui, on veut être gardien »
Ces structures ont engagé d’anciens portiers, qui ont connu une belle carrière, afin d’aider les apprentis à se perfectionner. Transmettre l’expérience, apprendre le métier, c’est, entre autres, la mission d’Oumar Diallo, ancien gardien des Lions de la Teranga et qui officie désormais à Diambars, l’une des meilleures écoles de foot du continent, située au Sénégal. En Europe, le Camerounais Thomas N’Kono est depuis 2003 l’entraîneur des gardiens de l’Espanyol Barcelone, l’un de ses anciens clubs, signe que les compétences africaines s’exportent et sont aussi reconnues à l’étranger.
« Le football africain possède de très bons gardiens, il y a de plus en plus de candidats, c’est une évolution normale », se félicite Michel Dussuyer. « Avant, on ne parlait que des joueurs offensifs. Ce n’est plus le cas : aujourd’hui, on veut être gardien. Ce poste est perçu comme une valeur sûre, ce n’est plus comme avant », ajoute Joseph-Antoine Bell. Les réussites d’Onana, Mendy et Bounou au plus haut niveau devraient encore davantage influencer les plus jeunes à se tourner vers cette position si précieuse.
Lors de ce Mondial au Qatar, on constate qu’une équipe nationale ne peut pas avoir un beau parcours « sans avoir un excellent gardien, atteste Claude Le Roy, ancien sélectionneur qui a dirigé six sélections africaines. Quand nous avons remporté la CAN 1988 avec le Cameroun, c’est parce que le nôtre – Joseph-Antoine Bell – était de très haut niveau. Et comme le Sénégal, le Cameroun et le Maroc ont de très bons spécialistes à ce poste, ils peuvent normalement avoir quelques ambitions… »