La personne qui souhaite souscrire une assurance invalidité ou décès doit remplir un questionnaire de santé, destiné à évaluer les risques qu’elle demande de garantir, et le montant des primes qu’elle devra payer. Elle a l’obligation de répondre sincèrement aux questions sur son état de santé actuel et passé (hospitalisations, arrêts de travail de plus de trois semaines, traitements suivis, même à titre préventif, etc., sur les cinq ou dix dernières années).
Elle a toutefois le droit de passer sous silence les tests génétiques qu’elle a faits, afin de savoir si elle était porteuse du gène d’une maladie qui ne s’est pas encore déclarée. C’est ce que rappelle l’affaire suivante.
Le 1er septembre 2013, Mme X, 29 ans, kinésithérapeute, remplit deux questionnaires de santé, afin d’obtenir des contrats d’assurance invalidité chez Generali Vie. A la question « Souffrez-vous ou avez-vous souffert d’affections neurologiques et psychiatriques ? », elle répond « non ».
Le 13 avril 2015, elle doit s’arrêter de travailler : elle souffre de la maladie de Steinert, une affection neuro-musculaire qui lui vaut bientôt un taux d’invalidité de 80 %. L’assureur lui impose alors de produire les pièces – couvertes par le secret médical – qui justifient cette situation.
« Fausse déclaration intentionnelle »
Il découvre que, de juin 2012 à août 2013, elle-même et ses enfants (en raison, respectivement, de trois fausses couches et d’un retard cognitif) ont fait l’objet d’une surveillance dans une clinique de génétique. Et que, le 2 septembre 2013, Mme X a reçu le résultat d’un test la révélant porteuse du gène qui contient la mutation responsable de la maladie de Steinert.
Il déclare les contrats nuls, pour fausse déclaration intentionnelle, comme le lui permet le code des assurances (article L. 113-8). C’est en vain que Mme X objecte que, lors de la souscription, la maladie ne s’était pas déclarée, les premiers symptômes ne devant apparaître qu’en février 2014. La justice, qu’elle saisit, lui donne tort, jusqu’à ce qu’elle se pourvoie en cassation.
La Cour, réunie le 31 août 2022 (20-22.317), rappelle que, depuis le 5 mars 2002, le code de la santé publique (article L. 1141-1) interdit aux assureurs de poser une quelconque « question relative aux tests génétiques », à ceux qui demandent une garantie invalidité ou décès, le législateur ayant voulu empêcher toute « discrimination » liée à l’ADN. Il leur interdit aussi de les y « soumettre » ou de « tenir compte des résultats » qui leur seraient « transmis » par eux.
400 000 euros à une veuve
C’est la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades (article 4), qui a imposé cette interdiction aux « entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ». Précédemment, c’est-à-dire depuis le 1er janvier 2000, date d’entrée en vigueur de la loi portant création d’une couverture maladie universelle (article 62), l’interdiction ne visait que les assurances proposant des complémentaires santé.
La Cour de cassation juge donc que Mme X n’était « pas tenue » de faire mention du sien, dans ses réponses aux questionnaires de santé. Elle renvoie les parties devant la juridiction d’appel de Douai, qui devra rejuger l’affaire.
Mme X souhaite sûrement qu’elle statue, comme l’a fait le tribunal de grande instance de Nanterre, le 23 septembre 2019 : il a condamné la compagnie Aviva Vie à verser un capital décès de quelque 400 000 euros à une veuve dont l’époux avait souscrit un contrat sans dire qu’il était, depuis treize ans, porteur sain du gène responsable de la maladie de Huntington. Il l’a aussi condamnée à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts, en raison du préjudice causé par sa « mauvaise foi ».