Les organisations internationales de défense des droits de l’homme et militants égyptiens ont abordé, mardi 8 novembre, un sujet tabou des podiums officiels de la conférence mondiale pour le climat (COP27), qui se tient du 6 au 18 novembre à Charm El-Cheikh, en Egypte : la mise au ban de la société civile. « Sans la pression de la société civile, il n’y aurait pas d’accord de Paris [qui avait débouché sur l’engagement à limiter le réchauffement à 2 °C, et si possible à 1,5 °C] », a abondé Jennifer Morgan, envoyée spéciale sur le climat de l’Allemagne, pays dont le pavillon, à la COP27, accueillait une table ronde dans la zone « bleue », officielle.
A l’écart de ce site, se trouve la « zone verte », dévolue à la société civile : pour y manifester, il faut présenter trente-six heures à l’avance une demande détaillée. Seule une poignée de militants végans se sont risqués à se rassembler à l’entrée de la « zone bleue », lors d’une manifestation anecdotique, mardi.
Malgré la « crise des droits humains à grande échelle » en Egypte, « nous avons été contre l’idée d’une campagne dénonçant la sélection de l’Egypte comme pays hôte, et contre des appels au boycott de la COP27, a détaillé Hossam Bahgat, directeur de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels, une importante ONG locale. Les pays d’accueil ne doivent pas être nécessairement choisis sur la base [de leur politique] des droits humains. Par contre, ces critères doivent être strictement respectés dans l’organisation d’une conférence internationale ». Une critique voilée adressée à l’organisme de l’ONU chargé de l’organisation de la COP, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Agnès Callamard, à la tête d’Amnesty International, enfonce le clou : « Les concessions faites aux autorités égyptiennes par la CCNUCC, par exemple sur les conditions posées pour manifester, sont scandaleuses. C’est une façon de se rendre complice du bâillonnement des militants », affirme-t-elle au Monde.
« Plus d’accès au terrain »
Les intervenants ont dénoncé la difficulté à mener des recherches sur les questions environnementales en Egypte. « Il y a dix ans [dans la foulée de la révolution égyptienne], nous avions pu suivre la mobilisation d’habitants sous le coup d’une expropriation au profit de la construction de la première centrale nucléaire égyptienne à Dabaa [dans le Nord]. Ils étaient parvenus à obtenir des compensations du gouvernement, en se formant en comité populaire. Aujourd’hui, une telle fédération est impossible », a jugé M. Bahgat. « De façon générale, nous n’avons plus d’accès au terrain [à cause de la surveillance]. Nous travaillons depuis nos bureaux, alors que l’environnement, c’est dehors », a-t-il ajouté. La « participation des communautés » est pourtant cruciale dans la recherche de solutions, a rappelé Tirana Hassan, directrice exécutive par intérim de Human Rights Watch.
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